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dimanche 25 mars 2018

Transition énergétique : le grand débat éclairé par l’Australie du Sud et la Californie


Grand débat sur la transition : les conditions élémentaires ne sont pas remplies : farce ou manipulation

Un grand débat est censé se dérouler en ce moment sur la Politique Energétique et la fameuse transition. Je crains fort que ce ne soit une farce ou une manipulation profondément malhonnête de l’opinion publique, ou les deux à la fois. Comment les Français pourraient-ils y participer utilement sans prendre le temps, au préalable, d’une information préalable solide et scientifique ? Comment pourraient-ils le faire  sans d’abord un débat solide, organisé, honnête donnant le temps nécessaire à la confrontation et lorsqu’elle est possible à la conciliation, entre experts, expliquant leurs données, d’où elles viennent et ce qu’ils en tirent. Alors seulement, le débat public pourra être honnête et utile.
Il me semble que ce type de débat devrait répondre au principe posé par Auguste Comte : «  Le public ne sait pas ce qu’il lui faut, mais il sait parfaitement ce qu’il veut, et personne ne doit s'aviser de vouloir pour lui. ».  Le public, pour Comte, c’est le peuple informé. Alors accomplissons mon devoir d’intellectuel organique et tentons d’informer, pour commencer sur deux sujets importants. Premièrement, sur la situation en Australie du Sud et les conséquences inéluctables et incontrôlables, même dans un pays bien favorisé par l’ensoleillement, d’un taux supérieur à trente pour cent d’énergies renouvelables non pilotables, voulue par démagogie politique.  Deuxièmement, sur la tentative désastreuse de privatisation de la production électrique en Californie, très riche d’enseignement sur ce qui se passerait en cas de privatisation de la production et de la distribution

Une élection en Australie du sud

Mars 2018 : Le gouvernement travailliste d’Australie du Sud vient de perdre sèchement les élections, des élections que  le Premier Ministre travailliste Weatherill  avait présenté comme  un référendum sur sa politique de l’énergie »

De fait l’Australie du Sud constitue un laboratoire énergétique remarquable.  Le Gouvernement travailliste a mené une politique de développement volontaristes du solaire et éolien, qui produisent environ la moitié de l’électricité, la proportion des trois quart  étant visée. Résultat :

1) Les factures d’électricité bondirent et  l’Etat avait  l’électricité la plus chère du monde développé. Et cela a eu des conséquences sociales – une précarité énergétique comme on n’a pas idée en France.  Les demandes d’aides de nourriture explosèrent et le Banque alimentaire locale fit savoir que les pauvres se privaient de repas pour payer leur électricité. Signalons d’ailleurs que  les trois Etats en tête pour l’importance du solaire/éolien », Australie du Sud, Allemagne et Danemark ont des tarifs proches, les plus élevés du monde industriel, doubles des prix français

2) Une instabilité chronique et grave du réseau.  Durant l’été austral 2016-2017, l’Etat d’Australie du Sud connut une demi-douzaine de coupures, dont l’un concerna tout le territoire – un effondrement total du réseau.  Malgré un plan d’urgence coûteux ( un parc de batteries gigantesques amenés en grande publicité par Elon Musk, mais surtout la construction d’un parc de centrales à gaz), les problèmes ont persisté en 2018 avec encore de nombreuses coupures électriques.   Lors d’un incident en février 2018, quarante salles d’opération d’un hôpital de la capitale se retrouvèrent dans le noir durant vingt minutes. Il n’y eut pas mort d’homme grâce au sang froid du personnel médical, mais l’Association des Médecins d’Australie rappela sèchement au Gouvernement local la nécessité d’une alimentation en électricité fiable.
Bref, les électeurs ont tranché, et les libéraux revenus au pouvoir ont promis de réorienter complètement la politique énergétique.

Une privatisation en Californie : l’ »expérience désastreuse » du gouverneur Davis

La Californie a décidé en 1996 d'entreprendre la dérégulation de son secteur électrique qui était jusque-là, pour l'essentiel, sous le contrôle de l'Etat. La concurrence, disaient les promoteurs de cette politique, allait exercer une pression à la baisse sur les prix, dont bénéficieraient les consommateurs. C'est exactement le contraire qui s’est passé. Les distributeurs d’électricité ont été conduits à une quasi-faillite, ont été étranglés par une dette énorme due à l’explosion des coûts de production totalement libérés alors que leurs prix restaient régulés par l’Etat : ils ont exigé une augmentation de 30% des factures aux consommateurs sans quoi des coupures de courant seraient inévitables.

Que s’est-il passé ? Qu'allait-il advenir  pour les producteurs, autrefois appartenant à l’Etat et maintenant privatisés, dans un marché ouvert, y compris aux producteurs d'autres Etats? Les producteurs de courant, autrement dit les centrales électriques, ont adopté une politique attentiste Dans cette incertitude, ils n’ont strictement rien fait, et, contrairement à leurs engagements, ils n’ont entrepris la construction d'aucune des centrales qu'ils avaient pourtant dans leurs cartons et qu’ils s’étaient engagé à construire. Leur seule vraie crainte, la menace suprême pour eux, c’était la surproduction, et ils n’avaient aucun intérêt à investir et à augmenter une productiondont la rareté assurait leur profit – elle était la garantie pour eux de pouvoir imposer des tarifs élevés et maximiser leurs bénéfices sans investissements.  Mais dans le même temps, dans cette Californie où les industries de pointe bourgeonnent, où chaque ménage multiplie les équipements électriques et électroniques, la demande n'a cessé de croître. Affaires en or pour les centrales, catastrophes pour les particuliers et les industriels avec augmentations de prix et pannes.

De plus, certaines entreprises telles que Enron et Reliant se sont mise à manipuler le marché, par exemple en bloquant la jonction entre le réseau de Californie du Nord et celui du Sud. Cette jonction agissait comme un « goulot d’étranglement » que Enron s’amusait à paralyser en réservant la capacité de transmission sans l’utiliser. Cela faisait encore plus augmenter le prix de l’électricité et permettait à Enron de réaliser d’énormes profits. Évidemment, la Federal Energy Regulatory Commission (FERC) se devait de contrer ces stratégies, mais elle n’avait pas les ressources et la sophistication nécessaires pour le faire.

D’autre part, il y avait souvent des interruptions pour l’entretien de centrales qui se produisaient en même temps, ce qui est normal puisque les producteurs indépendants n’avaient aucun incitatif à coordonner leurs interruptions d’entretien pour ne pas qu’elles se fassent en même temps. Les producteurs avaient plutôt un incitatif à faire leurs interruptions d’entretien en même temps,  puisque cela créait des hausses de prix drastiques et leur permettait d’empocher des profits élevés. Comme les distributeurs avaient de la difficulté à joindre les deux bouts, ils ont eu de la difficulté à payer les producteurs. Certains d’entre eux ont donc arrêté de produire, ce qui a encore contribué à exacerber la pénurie et à faire monter le prix. En Janvier 2001, l’état d’urgence a été décrété par le gouverneur Davis.

Seule Los Angeles s’était sorti du désastre, et heureusement : la métropole de Californie du sud avait refusé de s'engager en 1996 dans le mouvement de privatisation. Son Département de l'eau et de l'énergie a disposé  de plus d'électricité qu'il n'en faut à la ville. Te se permettait même d’ne céder aux voisins.  Plusieurs grandes municipalités (San Francisco, San Diego…) ont alors envisagé de suivre l'exemple de Los Angeles et de créer un service municipal de l'électricité.
L’exaspération gagna les Etats voisins désastre (Oregon, Washington, Idaho), qui avaient l'habitude de recevoir en hiver de l'électricité californienne. La soudaine pénurie obligea certaines grandes usines d'aluminium à diminuer ou à suspendre leur activité.

Finalement, Le gouverneur démocrate Gray Davis résuma la situation en la qualifiant d'«expérience désastreuse». La renationalisation du transport de l’électricité et le régulation des trois plus grandes compagnies productrices fut décidée.

Fin d’une expérience qu’il ferait bon ne pas reproduire

Tous ceux qui le souhaitent peuvent (tenter) de participer au grand débat sur la programmation pluriannuelle de l'énergie (https://www.debatpublic.fr/revision-programmation-pluriannuelle-lenergie)




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