Viv(r)e la recherche se propose de rassembler des témoignages, réflexions et propositions sur la recherche, le développement, l'innovation et la culture



Rechercher dans ce blog

mercredi 28 décembre 2016

Rafael Tovar y De Teresa- Porfirianisme et Positivisme

Hommage à Rafael Tovar y De Teresa

Les nombreux visiteurs de la superbe exposition Mexique 1900-1950, au Grand Palais en cette fin d’année 2016 auront une pensée pour le grand diplomate, ministre, historien, écrivain  et francophile mexicain, Rafael Tovar y de Teresa, mort le 10 décembre – il fut également à l’origine des expositions mémorables qui ont mieux fait connaître et apprécier le Mexique en France,  Mayas au Musée du Quai Branly (2014),  Frida Kahlo/ Diego Rivera : l’art en fusion » au Musée de l’Orangerie en 2013.
M. Rafael Tovar y de Teresa (1954-2016) fut le premier ministre de la culture mexicain, nommé en 2016, après avoir dirigé pendant treize ans le Conseil National pour la Culture et les Arts et créé des dizaines d’institutions culturelles, organisé un réseau dense de 1200 musées et plus de 10.000 bibliothèque et mené une politique d’Etat visant à donner accès à la culture à tous les Mexicains et à soutenir la création artistique contemporaine- on lui doit notamment une chaine publique culturelle, Canal 22. Ses liens personnels avec la France sont anciens et amicaux, puisqu’il vint étudier à la Sorbonne et à Sciences Po entre 1974 et 1978 et fut ensuite ambassadeur du Mexique en France de 1983 à 1987. Mais en fait, ses liens familiaux avec la France sont encore plus anciens, puisque son grand père s’exila en France en 1911 après la chute du président Porfirio Diaz, une histoire qu’il raconta dans son livre, Paraiso es tu memoria, non traduit en français. Une occasion de revenir sous un épisode souvent publié ou maltraité de l’histoire mexicaine (et un peu française).

Les Cientificos, disciples d’Auguste Comte : Ordre et Progrès au Mexique

En 1876, le général (souvent peu généreusement qualifié de dictateur) Porfirio Diaz (1830-1915), héros de la guerre contre les Français et compagnon d’arme de Benito Juarez, renverse Lerdo de Tejada, successeur de Juarez au terme d’une élection truquée. En tant que Président ou qu’homme fort, il restera au pouvoir 34 ans, avec une idée : moderniser le Mexique, le rendre capable d’une indépendance matérielle, intellectuelle et culturelle vis-à-vis des USA, effacer le traumatisme qu’avait été la guerre catastrophique de 1846-1848, qui voit la perte du Texas, du Nouveau-Mexique, de la Californie, de l'Utah, du Nevada, du Colorado et de l'Arizona :  (Porfirio Diaz : « Pauvre Mexique, si loin de Dieu, si proche des USA ! »). Pour mener cette modernisation, il s’appuie sur une élite francophile, les Cientificos, brièvement évoquée sur les panneaux explicatifs de l’exposition Mexique 1900-1950. Ces Cientificos forment un groupe soudé de disciples du positivisme d’Auguste Comte, dont la doctrine avait été introduite au Mexique par Gustavo Barreda. Diaz les associe au pouvoir en 1892, sous la bannière de l’Union Libérale – je dis associer, car les relations entre Diaz et ses conseillers et ministres cientificos furent assez mouvementées. Parmi les principaux dirigeants Cientificos, citons Jose Limantour (ministre des finances), Justo Sierra (ministre de l’Instruction Publique et des Beaux-Arts), Pablo Macedo (maire de Mexico). José Yves Limantour (1854-1935), à la tête des finances mexicaines pendant 21 ans, était le fils d’un capitaine de goélette de Lorient qui s’était échoué en Californie, alors mexicaine et s’y était installé. L’action de redressement des finances et de modernisation du pays des Cientificos (développement du crédit, des mines, des moyens de communications,- ports et chemins de fer-, de l’agriculture par la confiscation et la mise en valeur des immenses domaines de l’église, l’électrification, le télégraphe, mais aussi la laïcisation de la société fut remarquable en tous points. L’élite mexicaine se forma à l’Ecole Nationale, dont le fronton arborait fièrement le slogan positiviste : Ordre et Progrès. Diego Ribera y fut élève.
Le renversement de Porfirio Diaz, depuis trop longtemps au pouvoir et qui n’admit pas de perdre sa dernière élection, une réforme agricole mal engagée et l’intervention malveillante des USA qu’un Mexique devenant puissant et moderne inquiétait, entrainèrent la fin du Porfiriat, une période d’anarchie meurtrière, et l’exil en France du général Diaz (il y mourut à Paris en 1914) et de ses principaux conseillers cientificos, dont Limantour.

C’est cette histoire que raconte dans ses livres Rafael Tovar Paraíso es tu memoria (2009); El último brindis de Don Porfirio (Le dernier toast de Don Porfirio, 2012); De la paz al olvido. Porfirio Díaz y el final de un mundo (De la paix à l’oubli. Porfirio Díaz et la fin d’un monde, 2015) ; celle d’un Mexique que les Cientificos positivistes considéraient comme une république sœur de la France.


On peut regretter que le gouvernement français n’ait pas mieux salué la vie, l‘œuvre et le rôle dans les relations entre le Mexique et la France de Rafael Tovar y De Teresa ; regretter aussi que l’histoire commune entre le Mexique et la France, avec ses hauts et ses bas, ne soit pas mieux connue ; se dire qu’il est peut être temps, après plus de cent ans, d’évaluer plus objectivement le Porfiriat – certains députés du Parti Révolutionnaire Institutionnel, au pouvoir depuis 1929 (sauf une interruption entre 2000 et 2012) sont en faveur du retour de la dépouille de Porfirio Diaz, enterré au cimetière du Montparnasse à Paris ; et que cette période où l’influence intellectuelle et politique de la France était grande peut nous inviter à relancer une politique américaine qui ne soit pas une politique US.


mardi 13 décembre 2016

Perturbateurs endocriniens : pour un GIEPC (Groupe International d’étude des produits chimiques)

Manipulation de la science et marchands de doute ?

Près de cents scientifiques, spécialistes de la biologie de développement et des hormones, ou spécialistes du climat ont écrits une tribune publié dans  Le Monde du 30 novembre sous le titre Halte à la manipulation de la science ! Ils demandent à l’Europe et à la Communauté internationale d’agir contre les perturbateurs endocriniens et dénoncent la « fabrication du doute » par les industriels qui veulent préserver leurs bénéfices, comme l’ont fait les fabricants du tabac à propos de son implication dans le cancer, ou les groupes pétroliers qui ont financé le climatoscepticisme. Extraits :

« Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement. Les « marchands de doute » sont à l’œuvre dans plusieurs domaines, comme les industries du tabac et de la pétrochimie ou le secteur agrochimique. »

« Une lutte comparable fait actuellement rage autour de la nécessaire réduction de l’exposition aux perturbateurs endocriniens. La Commission européenne s’apprête à mettre en place la première réglementation au monde sur le sujet. Bien que de nombreux pays aient également manifesté leur inquiétude à l’égard de ces produits chimiques, aucun n’a instauré de réglementation qui les encadrerait globalement. Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal Jamais l’humanité n’a été confrontée à un fardeau aussi important de maladies en lien avec le système hormonal : cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, troubles du développement du cerveau, diabète, obésité, non- descente des testicules à la naissance, malformations du pénis et détérioration de la qualité spermatique. La très grande majorité des scientifiques activement engagés dans la recherche des causes de ces évolutions préoccupantes s’accordent pour dire que plusieurs facteurs y contribuent, dont les produits chimiques capables d’interférer avec le système hormonal. »

« La plupart de ces substances atteignent notre organisme par le biais de notre alimentation. Seule solution pour enrayer la hausse des maladies liées au système hormonal : prévenir l’exposition aux produits chimiques à l’aide une réglementation plus efficace. Or le projet d’établir une réglementation de ce type dans l’Union européenne est activement combattu par des scientifiques fortement liés à des intérêts industriels, produisant l’impression d’une absence de consensus, là où il n’y a pourtant pas de controverse scientifique. Cette même stratégie a été utilisée par l’industrie du tabac, contaminant le débat, semant le doute dans la population et minant les initiatives des dirigeants politiques et des décideurs pour développer et adopter des réglementations plus efficaces. Les discussions sur le changement climatique et sur les perturbateurs endocriniens ont toutes deux souffert de cette déformation des preuves scientifiques par des acteurs financés par l’industrie. »

« Nous sommes cependant préoccupés par les options réglementaires que propose aujourd’hui Bruxelles, très éloignées des mesures nécessaires pour protéger notre santé et celle des générations futures. Les options proposées pour identifier les perturbateurs endocriniens requièrent un niveau de preuve bien plus élevé que pour d’autres substances dangereuses, comme celles cancérigènes »
Nous appelons au développement et à la mise en œuvre de mesures qui s’attaqueraient aux perturbateurs endocriniens et au changement climatique de façon coordonnée. Un moyen efficace pourrait être la création, sous les auspices de l’Organisation des Nations unies, d’un groupe ayant le même statut international et les mêmes prérogatives que le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Ce groupe serait chargé d’évaluer les connaissances scientifiques destinées aux responsables politiques dans l’intérêt général et mettrait la science à l’abri de l’influence des intérêts privés.

Les perturbateurs endocriniens

Les perturbateurs endocriniens sont des molécules très simples et très communes (retardateurs de flamme présents dans les meubles et l’électronique, agents plastifiants dans les matières plastiques et les produits d’hygiène, résidus de pesticides dans notre alimentation) qui peuvent agir comme  des hormones naturelles, ceci étant particulièrement inquiétant lors de périodes critiques du développement, pendant la grossesse ou la puberté. L’un des plus courants est le bisphénol A, présent dans le plastique des biberons de bébés. L’accumulation de données démontrant des effets biologique de quasi-hormones du bisphenol A chez l’animal ou dans des cellules humaines  a conduit à son interdiction dans les biberons et tous produits utilisés dans l’alimentation des enfants Au Danemark, en France, au Canada, dans certains pays européens dès 2010, puis dans toute l’Union Européenne ; une décision qui s’imposait et qui a été prise, à juste titre,  malgré l’absence de preuves formelles d’effets chez l’homme.
Pour autant, il y a des aspects qui me paraissent assez contestables dans la fameuse tribune et ses attaques contre la Commission Européenne

Commentaires :

-          Les perturbateurs endocriniens seraient responsables  de cancers du sein, du testicule, de l’ovaire ou de la prostate, de troubles du développement du cerveau, de diabète, d’obésité, non- descente des testicules à la naissance et autres malformation de l’appareil urogénital et du pénis, de la détérioration de la qualité spermatique… C’est tout de même peut-être un peu charger la barque, d’autant que ces effets sont bien choisis pour frapper très fort les esprits !- dans le cas de la qualité spermatiques, par exemple, il s’agit d’un phénomène mal mesuré et à cause tellement multiples qu’il est difficile d’en isoler une, pour ne pas parler du diabète, qui n'est surement pas dû qu'aux perturbateurs endocriniens etc.

-          Les mécanismes précis d’action des perturbateurs endocriniens sont mal connus, au point que l’on a parlé de mystérieuses courbes en U, montrant des effets à très faibles doses, mais pas à doses plus élevées, et d’une pharmacologie révolutionnaire mettant en cause les relations doses –effets. Tout un discours irrationnel ralliant les pires adversaires du progrès embrayait là-dessus. Il semble maintenant que l’on s’oriente de façon plus classique vers une action puissante sur des sous-types de récepteurs. La recherche fondamentale sur ce sujet doit devenir une priorité, tant en raison des menaces possibles pour la santé…que pour peut-être l’identification de nouveaux médicaments.

-          On reproche semble-t-il à la Commission européenne de ne pas vouloir prendre en compte le danger intrinsèque de ces substances, d’ailleurs mal caractérisé, mais notre exposition à ces substances.  Je ne comprends pas en quoi cela est critiquable - C’est ce qui se fait classiquement en toxicologie. Et heureusement ; c’est bien parce que l’exposition au bisphenol des biberons était avéré qu’il a pu être interdit en l’absence de certitude sur sa toxicité. Et ce sont peut-être les premières données inquiétantes d’exposition des femmes enceintes qui attireront l’intention et imposeront des mesures sérieuses.

-          On reproche également à la Commission de proposer un classement des perturbateurs endocriniens laxiste, exigeant la démonstration d’une pertinence humaine. En effet, l’Anses ( l’agence française de sécurité sanitaire) a proposé un classement à plusieurs niveaux de risques  (avérés, présumés, suspecté) similaire à celui des cancérogènes, qui a fait ses preuves, et que la France devrait promouvoir vigoureusement.

-          On reproche encore à la Commission de s’appuyer sur les études et données d’entreprises privées fabriquant ces produits.  Il y a là en effet un conflit d’intérêts évident et des précédents criminels, mais, pour autant, ignorer les études de ceux qui connaissent le mieux les produits en questions serait idiot et la mise en cause systématiques des scientifiques de l’industrie est peu acceptable. Les firmes  doivent pouvoir participer librement au débat scientifique, à condition de publier intégralement leurs méthodes d’études et leurs résultats et de les soumettre à la critique habituelle. En fait elles devraient être obligées de le faire !, mais alors elles doivent pouvoir être entendues.


-           L’idée d’un « GIEC » des produits chimiques ( l’augmentation de l’exposition de l’humanité aux produits chimiques a explosé en quantité et diversité) est une bonne idée, et même excellente pour un positiviste tant elle se rapproche de la conception du « pouvoir spirituel » d’Auguste Comte : des savants qui discutent librement entre eux, parviennent à l’établissement de connaissances positives ( certaines, précises, relatives, organisatrices, permettant la prédiction) et, en fonction des conséquences qu’ils en tirent pour l’humanité, représentent le point de vue du général et  agissent en conseillant les dirigeants temporels et aussi directement sur l’opinion publique. Mais elle suppose d’abord la construction d’un consensus entre experts, et l’on ne voit pas très bien où veulent en venir les auteurs de la tribune lorsqu’ils associent spécialistes du climat, de la chimie et de l’endocrinologie…



vendredi 9 décembre 2016

Dépakine : on indemnise, et après ?

Indemniser le risque médicamenteux scandale après scandale 

Les députés se sont auto-congratulés et auto-applaudis après avoir l'unanimité la création d’un fonds d'indemnisation géré par l'Etat pour les victimes de l'antiépileptique Dépakine ; le laboratoire Sanofi sera amené à contribuer- dans quelle proportion ? Fort bien, la réaction a été rapide- certaines victimes du distilbène attendent toujours. D’ailleurs, sept associations ont de nouveau réclamé un fonds d'indemnisation global "pour toutes les victimes de médicaments", notamment le Distilbène et  dénoncent dans un communiqué « cette fâcheuse habitude, transmissible de gouvernement en gouvernement, d'indemniser le risque médicamenteux à la petite semaine, médicament par médicament, scandale après scandale ».

Dans un précédent blog (Dépakine : pour une politique européenne de la pharmacovigilance) j’avais rappelé la gravité de ce scandale (selon l’Igas, plus de 14000 femmes enceintes entre 2007 et 2014, 450 enfants nés avec des malformations congénitales ;  et selon Catherine Hill, épidémiologiste de l’Institut Gustave-Roussy, 50.000 grossesses sous Dépakine, entre 1983 et 2015 entrainant 3 000 personnes souffrant de malformations et 12.000 de troubles neuro-développementaux). J’expliquais aussi à quel point les responsabilités étaient diluées, entre Sanofi, faisant connaître dès 2007 les dangers de son produit pour les femmes enceintes, les réticences de l’Agence du Médicament à en modifier la notice, l’ignorance ou la désinvolture des médecins continuant à prescrire ce médicament, qui peut en effet être indispensable, sans informer les femmes, estimant, à leur place, sans les consulter, que les risques d’une épilepsie mal soignée étaient plus importants. Il me semble aussi que la cause du scandale, dont l’industrie pharmaceutique ne peut totalement s’exonérer est la suivante : pour les firmes pharmaceutiques, les femmes enceintes ne constituent pas un marché financièrement intéressant, mais, par contre à haut risque- les études de tératogénèse ne permettent pas de prévoir tous les problèmes potentiels. Par conséquent, les firmes pharmaceutiques préfèrent quasi-systématiquement contre-indiquer leurs médicaments aux femmes enceintes, et, le sachant, les médecins préfèrent quasi-systématiquement ignorer les contre-indications.
Même s’il faut évidemment, pour les familles, se féliciter d’une mise en place rapide d’une indemnisation (selon quels critères), il serait par contre vraiment inacceptable de ne pas tirer de conclusions de ce plus récent (on n’ose pas dire dernier) scandale. 

Des mesures à prendre pour la santé de la reproduction.

Informer : Les premières mesures à prendre concernent l’information des femmes enceintes. Certains médicaments sont clairement contre-indiqués, à différentes phases de la grossesse ( pendant les deux premiers mois, Acide valproïque, Acitrétine, Isotrétinoïne, Misoprostol, Mycophénolate, Thalidomide, Antimitotiques, Méthotrexate, Cyclophosphamide) ; pendant la vie fœtale : Depakine, antiinflammatoires non stéroïdiens, inhibiteurs de l’enzyme de conversion). Le moins qu’on puisse dire, c’est que l’information officielle n’est pas simple à trouver et peu lisible, que le très officiel CRAT (Centre de Référence sur les Agents Tératogènes) ne répond aux question que des personnels de santé et pas des patient(e)s !!!, que sur le site de l’ANSM ( l’agence de médicament), l’information est introuvable et qu’heureusement il existe des sites privés assez bien faits (exemple http://www.guide-maman-bebe.com/ma-grossesse/sante/prevention/les-medicaments-dangereux-pendant-la-grossesse). Mais enfin il devient urgent de faire un effort conisdérable d’information officielle, soit directement par le net, soit par l’intermédiaire de tous les professionnels de santé- qu’il faudra eux-mêmes informer, et surtout les médecins généralistes, qui doivent informer réellement et objectivement sur les risques respectifs à continuer ou interrompre un traitement médicamenteux pendant la grossesse, en laissant in fine les patientes libres de décider.

Renforcer les études précliniques : D’autres mesures concernent les études précliniques indispensables avant la mise sur le marché des médicaments. Celles-ci comprennent des études de fertilité et développement embryonnaire précoce jusqu'à implantation, réalisées sur une espèce de rongeur, en général le rat, avec administration du produit plusieurs semaines avant l'accouplement ; l’étude du développement embryo-fœtal (étude de tératogénèse ),  menée sur deux espèce, un rongeur et un non-rongeur, généralement rat et lapin ; les études de développement pré et post-natal : réalisée sur une espèce de rongeur. Cette étude évalue l'impact du produit sur la parturition, le comportement maternel, l'allaitement et développement des petits. La génération de petits est suivie sur deux générations sur des tests classiques (malformations des organes, poids, croissance, développement mental et physique, reproduction, sex-ratio..). Elles ne peuvent pas assurer une sécurité totale car le placenta humain, par exemple, est très différent des placenta animaux), et d’autre part, des pathologies comme l’autisme, les troubles de l’attention, les baisses modérées du QI, les troubles de la vision ne sont pas caractérisables ; mais dans le cas de la Dépakine, des troubles psychomoteurs ou l’hypotonie auraient pu être détectées.
Ces études cliniques ont évolué au cours du temps et le minimum serait d’imposer à tous les médicaments sur le marché, même anciens, une réévaluation des études précliniques sur les fonctions de reproduction.

Une pharmacovigilance plus systématique et plus étendue : D’autre part, à l’échelle européenne, un système performant de pharmacovigilance spécifiquement chez la femme enceinte doit être mis  en place. En cas de doute, les médicaments concernés devront faire l’objet d’études complémentaires En effet, les interprétations des études de pharmacovigilance peuvent être assez complexes ( elles seront d’autant plus simples qu’elle concernera des données en plus grand nombre) ; en témoigne par exemple l’incertitude sur une possible implications des antidépresseurs sur l’autisme : effet possible, mais faible (taux passant de 0.7% à 1.2%), no, significatif compte-tenu du faible nombre d’enfants diagnostiqués, non prise en compte de plusieurs facteurs possibles (accouchement par césarienne, indice de masse corporel des mères, antécédents familiaux psychiatriques, l’âge du père,  expositions à l’alcool,au  tabac, aux drogues) autres médicaments, substances illicites..


Recherche fondamentale : Enfin, un grand programme public européen de recherche sur la santé de la reproduction doit être engagé, pour identifier de manière plus systématique, en utilisant les techniques les plus modernes, les cibles, mécanismes, voies pharmacologiques pouvant avoir un effet néfaste sur la mère et sur sa descendance.  Afin que les femmes enceintes ne servent plus de cobayes, et d’éliminer au mieux les prochains scandales avant qu’ils ne produisent.


mercredi 7 décembre 2016

Liberté du Net

Extension du délit d’entrave à l’avortement : malavisé et dangereux

La majorité présidentielle à l’Assemblée vient, sur l’initiative du gouvernement de voter une extension du délit d’entraves à l’avortement. Il s’agit de lutter contre les sites Internet qui, sous couvert d’information, usurpant parfois l’aspect d’un site officiel,  culpabilisent et parfois désinforment les femmes qui cherche des renseignements sur internet- et qui se sont si bien débrouillés qu’ils figurent parmi dans les premiers résultats des moteurs de recherche.

Le délit d’entrave à l’avortement a été créé pour empêcher les manifestations bloquant les centres d’avortement qui se multipliaient. Pour déplaisante que soit la propagande sur le net des anti-avortements, il y a tout de même quelque abus à l’assimiler à une entrave. Si des renseignements faux sont donnés sur les sites, si des femmes sont sciemment trompées, il est possible de trouver d’autres motifs de poursuites juridiques. Il est aussi assez étrange que le gouvernement n’ai pas trouvé le moyen d’informer sur ces sites et de mieux positionner les sites officiels.  Les possibilités d’avorter sont beaucoup plus remises en causes par la manière dont  les pouvoirs publics ont laissé péricliter les centres d’avortement, le manque de moyen et de personnels. Bref, une démarche bien hasardeuse pour un résultat catastrophique : la gauche apparait hostile à la liberté d’expression sur le net.

Ce qui un comble ; car pendant ce temps, dans une discrétion relative,  la droite  a fait passer au Sénat un projet extrêmement répressif concernant le secret des affaires, et qui provoque l’inquiétude et l’indignation des syndicats de journalistes.

Egalité et citoyenneté !!! une arme de destruction massive contre la liberté d’expression

Comble de cynisme, ce cavalier scélérat se niche dans un vaste projet gentiment  intitulé Egalité et citoyenneté. Il s’agit d’un amendement destiné à permettre à des sociétés  d’attaquer en justice un média non seulement sur le terrain du droit de la presse, comme c’est le cas aujourd’hui via la loi de 1881, mais aussi sur celui de la responsabilité civile, notamment par les articles 1382 et 1383 du code civil. Cette situation, qui  existait en jurisprudence, dans les années 2000, avait par exemple donné lieu à une centaine de procédures lancées par Intermarché contre le magazine Capital ; des affaires remportées par le groupe Prisma presse mais au prix fort : il n’y a plus eu de papier sur ce géant de l’agro-alimentaire. « La menace financière liée à des procès est très efficace même si le média l’emporte », 

Cela rend impossible le travail des journalistes économiques : en cas de projet de plan social contesté, de lancement d’une contre OPA à la suite d’un papier, de préjudice lié à la baisse d’un cours de bourse, leur media pourrait être mis en cause sur le fondement des dommages qu’il aurait causés et condamné à de lourdes et arbitraires pénalités financières en responsabilité civile. Et c’est aussi la fin de la liberté des blogueurs, qui, au moindre propos imprudent, pourront être poursuivis. C’est aussi, contrairement aux engagements pris, non seulement pas la protection promise aux lanceurs d’alerté, mais même l’exact contraire : face aux menaces financières, ils seront réduits au silence !

Et ceci explique la mobilisation des associations de journalistes qui appellent à la mobilisation contre ce texte (Société des journalistes, des rédacteurs, des personnels de : AFP- BFMTV – Challenges – Elephant & Cie – Europe1 – France 2 – France 24 – France Inter – Franceinfo.fr – i-Télé – L’Express – L’Humanité – L’Obs – LCP – Le Figaro – Le Monde – Le Parisien-Aujourd’hui En France – Le Point – Le Télégramme – Libération – Marianne – Mediapart – Midi-Libre – Première Lignes – RFI – RTL –Sud-Ouest – Télérama – TF1, Associations de journalistes : AEF – Association de la presse judiciaire – Association des journalistes de l’information sociale – Association des journalistes de la sécurité – Association des journalistes économiques et financiers – Association des journalistes européens – Association des journalistes scientifiques de la presse d’information – Journalistes écrivains pour la nature et l’environnement) et qui ont signé un appel dans Le Monde : 

« Pour notre démocratie, sauvons notre liberté d’expression et d’information ! Scandale du Mediator, affaire Kerviel, LuxLeaks… toutes ces révélations contribuent à servir un droit fondamental, celui de la liberté d’expression et d’information. Elles alimentent le débat démocratique grâce à une loi équilibrée qui date de 1881, toujours d’actualité. Cette loi, qui protège tous les citoyens et pas seulement la presse, est ébranlée sur plusieurs fronts.
Dans une grande précipitation, et sans concertation aucune, le Sénat offre à ceux qui s’en saisiront des armes de destruction massive contre la liberté d’expression.
Sans débat démocratique digne de ce nom, la Chambre haute a voté sans sourciller des dispositions liberticides dans un projet de loi pourtant appelé « Egalité et citoyenneté ». Un comble ! N’importe qui pourrait ainsi être mis en cause sur le terrain de la responsabilité civile, avec à la clé un risque de devoir payer des dommages et intérêts, parce qu’il aurait par exemple tenu des propos qui dérangent. »

Face à ces projets scélérats, je ne peux que rappeler le vieux slogan positiviste : « Liberté, liberté totale d’exposition, de discussion d’appréciation » ; ce qui bien entendu ne signifie pas liberté de diffamer, de tromper,  ou d’appeler à la violence, qui relèvent des lois sur la presse.


dimanche 4 décembre 2016

Jean Pierre Sauvage et la recherche

Quelques  extraits des déclarations de Jean Pierre Sauvage, prix Nobel de chimie 2016

Dans un blog précédent (Prix Nobel de Chimie 2016 : des artistes de la Chimie !), j’ai tenté d’illustrer brièvement les travaux des prix Nobel de chimie de cette année, et tout particulièrement le Français Jean-Pierre Sauvage. J’ ai souhaité  reprendre ici quelques-unes de ses déclarations récentes.

Sur ses réalisations : (sciences et avenir, 25 oct 2016)

« Nous avons fabriqué toute une série de nouvelles molécules afin de pouvoir contrôler leurs mouvements, et cela, à l’échelle de quelques milliardièmes de mètre. Une des principales difficultés tenait dans le fait que, dans un milieu liquide et en raison de l’énergie thermique, les molécules gigotent tout le temps. Elles se déforment, se déplacent et s’entrechoquent de façon aléatoire, dans une sorte de ballet incessant qu’on appelle « mouvement brownien ». Or nous sommes parvenus à piloter, de manière parfaite, de nombreux édifices moléculaires : des objets qui se déplacent ou qui s’arrêtent quand on le souhaite, sur une ligne droite ou autour d’un axe, par exemple, tel un rotor ; des tiges et des anneaux qui coulissent les unes dans les autres, comme des pistons ; des muscles artificiels qui compriment ou allongent leur longueur à la demande, des ascenseurs moléculaires, etc. »
Sur la chimie en tant que science autonome (sciences et avenir, 25 oct 2016)

« Je tiens à préciser que le prix Nobel que nous avons reçu concerne « véritablement » les sciences chimiques, et je peux vous dire que beaucoup de chimistes en ont été absolument ravis ! Cette remarque peut paraître surprenante, mais la plupart des Nobel de chimie décernés ces dernières années avaient une relation très directe avec la biologie, la médecine, voire la physique, comme en 2014 et en 2015 par exemple, qui ont récompensé des travaux sur la microscopie à fluorescence et la réparation de l’ADN. Des travaux d’importance, sans nul doute, mais plutôt éloignés et même difficiles à comprendre pour des chimistes « normaux » ! Ceux pour lesquels nous avons été distingués se situent, cette fois, au cœur du métier de chimiste, qui pour l’essentiel consiste à synthétiser des molécules ou des assemblages moléculaires ayant des propriétés très spécifiques, extraordinaires, puis chercher à les utiliser. »

Sur la recherche fondamentale entre jeu et défis (sciences et avenir, 25 oct 2016)

Tout a commencé au début des années 1980 par un simple défi : un pur défi de « synthèse », comme ceux que les chimistes aiment tant relever ! Je cherchais, avec mon équipe, à entrelacer deux molécules circulaires, et personne ne voyait comment attaquer le problème de manière raisonnable. La solution est apparue en 1983. Elle était fondée sur l’utilisation de complexes de métaux de transition, l’ion cuivre en particulier. Celui-ci jouait un rôle d’échafaudage, de structure transitoire pour les réactions que voulions effectuer. L’ion interagissait d’abord avec une molécule organique, puis avec deux fragments successifs devant former un second anneau. En retirant l’ion cuivre, l’ensemble se réorganisait totalement. On obtenait alors deux molécules imbriquées, comme les maillons d’une chaîne, ensemble que nous avons baptisé « caténane ».

« Si nous ne faisons pas de recherche fondamentale, personne ne le fera ! Laissez-nous tranquille avec les applications concrètes ! » La Recherche, Novembre 2016

Des déclarations plutôt roboratives et pertinentes, qui font espérer que Jean Pierre Sauvage (71 ans) sera à l’avenir moins discret et fera davantage profiter la communauté scientifique de son expérience et de ces idées. Oui, n’en déplaise à certains organismes de recherche qi avait envisagé récemment de supprimer leur division la chimie, la chimie est une science autonome, qui ne se réduit pas à ses applications à la physique ou à la biologie, qui couvre un large domaine, une science que des savants français ( Lavoisier, Berthollet (certes un peu Suisse), Chaptal, Fourcroy, Gay-Lussac, Dumas, Pasteur, Berthelot) ont largement contribué à fonder comme science positive. A travers Jean Marie Lehn, Yves Chauvin et maintenant Jean–Pierre Sauvage, elle contribue toujours à la renommée scientifique de la France.
Et en ce qui concerne les évaluations incessantes, et les évaluations d’évaluations, les innombrables actions ciblées pour piloter la recherche ( mais qui donc ose être le pilote dans l’avion – ce n’est pas en perfectionnant la bougie qu’on invente la lampe à incandescence – Édouard Brézin) et les centaines de dossier pour quelques subventions, Jean Pierre Sauvage a raison de rappeler que c’est la mission principale des chercheurs des grands organismes et des universités de faire de la recherche fondamentale ; et il a d’autant plus de raison de le dire que sa carrière ( serait-elle encore possible aujourd’hui)  constitue un contrexemple parfait et convaincant de ce que l’on considère aujourd’hui  de ce qui est aujourd’hui recommandé.

Et quand à la valorisation de la recherche, elle constitue une obligation et un défi ; mais que pourrait-elle bien valoriser si elle ne peut s’appuyer sur une recherche fondamentale forte. D'autre part, elle doit être menée par des structures spécialisées, publiques ou privées, par des spécialistes qui ont une expérience du privé et du développement (les ingénieurs sont là pour ça !) ou des chercheurs qui ont en même temps une mentalité d’entrepreneurs. D’ un système où les chercheurs sont sommés sans cesse de défendre l’utilité de leurs recherches, de rédiger des formulaires d’applications fantaisistes, et détournés de la recherche fondamentale pour une recherche appliquée non applicable, il ne peut pas sortir grand-chose de bien.


samedi 3 décembre 2016

Alzheimer : Pour un grand programme public de recherche fondamentale

Des médicaments plus dangereux qu’utiles
Renouvelant un avis de 2011, qui renouvelait un avis de 2007, la Commission de la Transparence chargée de l’évaluation des médicaments au sein de la Haute autorité de santé (HAS) a conclu pour les médicaments anti-Alzheimer « à un intérêt médical insuffisant de ces médicaments pour justifier leur prise en charge par la solidarité nationale ». Quatre médicaments sont visés : Aricept®, Ebixa®, Exelon®, Reminyl® et leurs génériques.  A vrai dire, ce n’est pas une surprise, car leur efficacité est contestée depuis plus de dix ans.
Par contre, ces médicaments ont des effets secondaires parfois graves : troubles digestifs (diarrhées, vomissements), neurologiques (aggravation de syndromes parkinsoniens, vertiges, tremblements, maux de tête), urinaires (incontinence), cardiaques (syncope, troubles du rythme cardiaque, et à une déshydratation (surtout en cas de canicule) pour ceux qui agissent sur la cholinesterase. La mémantine expose surtout à des troubles neurologiques (hallucinations, vertiges, maux de tête, fatigue, confusion). Tous ces médicaments exposent à de nombreuses interactions, qui augmentent les risques d'effets indésirables et parfois de décès. En particulier, le donépézil, la galantamine et la rivastigmine interagissent avec des médicaments atropiniques, neuroleptiques, bradycardisants et dépresseurs de la conduction cardiaque.
Bref ces médicaments sont non seulement inactifs, mais ils participent à la dégradation de l’état de santé général des victimes de la maladie d’Alzheimer, sans compter qu’ils représentent depuis près de vingt-cinq ans plusieurs milliards d'euros de dépenses qui seraient plus justifiées dans d’autres domaines (il y a en France plus de 800.000 personnes touchées par la maladie d'Alzheimer ou une maladie apparentée).  Et pourtant, comme en 2011, comme en 2007 ils ne seront pas déremboursés. (En 2007, la commission avait déjà considéré que « ces médicaments avait un rôle important, tout en n'apportant qu'un progrès thérapeutique mineur »). Ce n’est même pas le cas. Il semble que la principale raison soit de ne pas désespérer les proches des patients, et même le personnel médical, confrontés à une maladie entrainant une terrible déchéance, pour laquelle on a aucun traitement médicamenteux. C’est humain, mais encore une fois les médicaments actuels semblent plutôt aggraver les choses. Cependant, il existe des prises en charges qui permettent de maintenir plus durablement les contacts sociaux.
Etat de la recherche désespérant
Il y a un an l’association France-Alzheimer s’enthousiasmait pour le solanezumab, un anticorps développé par Lilly.   Pour la première fois, un traitement qui s’attaque aux causes directes ( présumées) de la pathologie, et ne se limite pas à en contenir les symptômes, a fait la preuve de son efficacité chez des humains», expliquait l’association en évoquant un essai mené sur deux groupes de patients de plus de 600 patients chacun. Le solanezumab s’attaque à la protéine bêta amyloïde qui forme les plaques séniles et les détruit ; Dans une étude achevée en 2012, le solanezumab avait échoué à diminuer le déclin cognitif des patients gravement attneits, mais il semblait monter un effet chez les patients modérément affectés, ralentissant le déclin cognitif.  Ce sont ces résultats préliminaires qui n’ont pas été confirmés dans une étude de phase III menée pendant deux ans sur 2100 patients, dans plusieurs pays. La conclusion est sans appel : « Les patients traités avec le solanezumab n’ont pas montré un ralentissement significatif du déclin cognitif comparé aux patients ayant reçu un placebo. (...)Le résultat  n’est pas celui que nous avions espéré et nous sommes déçus pour les millions de personnes qui attendent un traitement capable de modifier le cours de la maladie d’Alzheimer ; Lilly ne poursuivra pas les demandes d’autorisation du solanezumab pour le traitement des démences modérées de la maladie d’Alzheimer», a indiqué John Lechleiter, président des laboratoires Lilly, qu’on remerciera pour avoir pensé aux patients avant qu’aux actionnaires. A noter que le solanezumab, contrairement à d’autres anticorps contre les protéines beta amyloïdes, n’a montré aucun signe de toxicité.

Auparavant, un autre anticorps ciblant la protéine beta amyloïde, le Bapineuzumab développé par Johnson and Johnson avait également échoué en phase III.

Un troisième anticorps, l’adacumab, développé par Biogen, est en cours d’évaluation. Il semble que les résultats préliminaires (165 volontaires  pendant un an) montrent un effet plus prononcé de ralentissement du déclin cérébral que les précédents, et les examens montrent une quasi disparition des plaques amyloïdes, tout à fait spectaculaire. Ces anticorps anti beta amyloïdes sont tout de même des médicaments différents, qui agissent sur la même protéine, mais sur des sites distincts ; par ailleurs les propriétés de ces molécules complexes sont difficiles à ajuster ; même si toutes passent dans le cerveau, ce qui déjà n’était pas évident, elles peuvent le faire plus ou moins bien. L’adacumab  va passer en phase III ; tout espoir n’est pas perdu, mais les actions Biogen ont significativement reculé après l’échec du solanezumab. Le doute commence à s’instiller sur ce qui a représenté l’un des espoirs les plus sérieux en matière de traitement d’Alzheimer.
Si les traitements anticorps anti beta amyloïdes devaient tous échouer, ce serait la dernière piste thérapeutique sérieuse qui s’effondrerait, et, contrairement à ce qu’on peut entendre, ce n’est pas faute pour les firmes pharmaceutiques d’avoir essayé. Si la plupart d’entre elles réduisent leurs efforts, voire cessent leur recherche en ce domaine, ce n’est certes pas par désintérêt, mais par manque d’hypothèses biologiques crédibles, par manque de connaissances fondamentales. En passant, d’ailleurs, dans le domaine du médicament, ce sont depuis longtemps les firmes pharmaceutiques qui assurent la plus grande part de la recherche fondamentale ; mais on ne peut pas sans arrêt baisser les prix des médicaments et leur demander de continuer cet effort, surtout lorsqu’il est quasi désespéré.

Alors, il serait temps que les pouvoirs publics mobilisent l’ensemble des chercheurs dans les domaines pertinents (médecine du système nerveux central, biologie, génétique, chimie, modélisation, biophysique…) à l’échelle continentale (ce serait un très beau grand projet pour la Commission Européenne), et à l’échelle internationale. Il faut un grand programme public de recherches fondamentales, sur l’Alzheimer qui devra remettre en cause tout ce que l’on croyait acquis, et trouver des modèles pertinents.


Les défis sont immenses, mais qui pensait pouvoir améliorer la qualité et la durée de vie des patients atteints d’une maladie aussi complexe que la mucoviscidose à l’aide de molécules chimiques finalement assez simples ? Si des pistes thérapeutiques nouvelles sont découvertes, les moyens actuels de la recherche thérapeutique permettront de les explorer rapidement.


Défendre l’Europe ? Moi, je veux bien, mais est-elle défendable (2) ?

De mauvais relents

Pour une fois, ce n’est pas la commission européenne qui est en cause, mas les Etats.  Le Monde du 25 novembre 2016 nous apprend qu’après  l’élection de Donald Trump, Berlin s’oblige à jouer un plus grand rôle international ; et que Merckel veut désormais consacrer  2% de son PIB à la défense.. Cela reviendrait à doubler (pas immédiatement, la chancelière le reconnaît) les dépenses militaires de l’Allemagne et à en faire la première puissance militaire d’Europe. Parallèlement, le Japon, avec des comptes publics japonais en lourds déficits et une dette qui représente l’équivalent de 245% de son PIB, augmente lui aussi ses dépenses militaires, pour la cinquième année consécutive ; avec un budget de 4.980 milliards de yen (soit 36 milliards d’euros), elles auront atteint leur plus haut niveau depuis la fin de Seconde Guerre Mondiale.

Que l’Allemagne augmente sa part dans la défense de l’Europe n’est pas forcément un mauvais signe, si cela permettait la construction d’une défense européenne, avec une industrie militaire européenne, et une certaine unité, qui ferait par exemple que les pays  européens, lorsqu’ils en ont la possibilité, achète préférentiellement du matériel militaire européen. Mais en fait, il s’agit de renforcer l’Otan, au cas où le gouvernement américain, comme le nouveau président l’a annoncé, exigerait davantage de ses alliés.  Dans le même numéro du Monde, il est assez intéressant d’entendre l’amiral Harry Harris, commandant de la zone pacifique énoncer les quatre principales menaces, que tout président américain considérera, dans cet ordre : «  Russie, la Chine, la Corée du Nord, le terrorisme ». C’est vraiment le bon ordre ?

Il me semblait portant que Juncker avait un grand plan d’investissement pour l’Europe : on pouvait penser que c’était plutôt dans les infrastructures informatiques, ou de transports, dans les nouvelles sources d’énergie, la santé et ses terribles défis, les promesses de la biologie, la protection du climat, la construction basse énergie…


Il m’ avait échappé que ce serait dans les dépenses militaires. Pourtant, si la Communauté Européenne a un bilan à défendre, ce sont bien les soixante-dix années de paix qui ont régné dans cette partie du contient, qui n’avais dans toute son histoire, jamais connu cela.  (l’éclatement de la Yougoslavie, que je n’oublie pas, a certes provoqué son cortège d’horreurs, mais n’a pas entrainé  l’Europe et le monde dans une nouvelle guerre)


vendredi 2 décembre 2016

Stem cell swindlers- support to the FDA

Stem cells:  promises, still to be confirmed

In a recent blog, I explained how the American authorities were brought to approve an ineffective drug, Sarepta, in Duchenne myopathy, under pressure from desperate patients well handled by swindlers. A similar story, but on a much greater scale, is emerging about stem cells, and there is muddy backwater where a lot of interested crocodiles jiggle.

 Stem cells are little differentiated cells able to transform in some (pluripotent stem cells) or all (totipotent stem cells) tissue types. This is the case of embryonic cells, but there are, in many adult tissues, stem cells - the oldest known are hematopoietic stem cells from bone marrow, able to differentiate into all blood cells. So bone marrow transplant to treat leukemia is the first cell therapy using stem cells, practiced since the 1970s. Similarly, skin stem cells are used since the 1980s to reconstitute the different layers of the epidermis for severely burned patients. In this sense, cell stem cell therapy is a well validated technique.

The use of embryonic cells, and furthermore the many discoveries of adult stem cells that have occurred, and even much more the discovery that it is possible to take many adult cells (for example, from epidermis) and turn them into stem cells by a  pretty simple and universal genetic manipulation  to give IPS  (induced pluripotent cells)  (a discovery for which Shinya Yamanaka  won the 2012 Nobel Prize for medicine)  have led to an explosion of hopes in this technique. Thus,  a flow of publications suggesting that it is possible to regenerate heart cells after a heart attack, regenerate neurons after strokes, cure macular degeneration by IPS cells differentiated into cornea cells have appeared. Hopes are also emerging in a number of neurodegenerative diseases.

Hopes, yes, but the path will be long. It is often not enough to inject cells so that they are implanted, it seems that they have first to be organized into micro-tissues. The results are sometimes difficult to reproduce. The use of stem cells is not devoid of potential dangers: rejection problems if they come from a donor, risk of tumor growth if they are induced, etc... The interpretation of the results is often difficult; Thus, in the case of the treatment of sequelae of strokes, the observed effect does not appear to be directly linked to stem cells (the injected cells disappear), but by the secretion of various substances.

So I think whe should call researchers to self-discipline and moderation, to caution and responsibility towards patients; even if it is difficult, we should call them to the understatement of their results rather than fancy proclamations; because they have to realize that there are many swindlers and crooks in the stem cells domain that will not hesitate to use their publications to defraud desperate patients.

The backwater and crocodiles of stem cells

Le Monde  (14, 11, 2016) has devoted an article to this topic (Stem cells, beware of fake treatments). Thus patients with ALS (SLA) illness resulting from the degeneration of motor neurons, which evolves to death within a few years, in the face of a medicine that remains powerless, are solicited by private clinics or doctors offering "miracle cures"  based on stem cells. "Patients are ready to go in any protocol or in any clinical trial, rather than stay in passivity, even overriding the rules of clinical research," says Jean-Paul Janssens (Geneva), who strives to alert them to the illegal nature of the treatment cell strains, which neither efficiency nor safety have been tested in humans". Jean-Paul Janssens remembers one of them who, some years ago, gave in to the offer of a clinic based in Tel Aviv, in Israel. The treatment cost him 35 000 Swiss francs (32 460 euros). His cells were taken in a clinic in French-speaking Switzerland before being sent to Israel to be isolated, treated and fed back, without success.

In the same Le Monde article, Leigh Turner, of the University of Minnesota noted: “Around 2008, we saw clinics appearing in countries where regulations are non-existent or little applied due to corruption, such as China, India, Mexico or the Caribbean. This statement is today no longer valid, those clinics now also grow in industrialized countries such as Australia, Japan, Switzerland, Florida or California. ». Thus the Swiss authority Swiss Medic became interested in the activities of two companies, Med Cell Europe and Swiss Medica (whose name is obviously looking to cause confusion with the Swiss regulatory agency itsel f!!). They claim to be able to cure more than 20 diseases, including ALS, Parkinson's, diabetes, heart attack... quoting on their sites dozens of publication in support of their claims. 
Swiss Medic put an end to their activities, but only in  Switzerland because Swiss Medica continues to recruit patients in Switzerland and send them in clinics to Russia and Serbia.
In Germany, Villa Medica claims the rather original and absolutely not validated use of fresh cells taken from sheep embryos. In Italy, for years, the Stamina Foundation treated patients suffering from neurodegenerative diseases by injections of stem cells –  “compassionate treatments”, without  any scientific basis; but Stamina was able to mobilize opinion and public authorities and even received public funds for his business. ”. The "inventor" of the Stamina method, Davide Vannoni, is today accused by Italian justice of fraud, conspiracy and usurpation of the title of doctor.

The swindlers at work and scientists responsabilities

An anecdote illustrates the methods of these swindlers: the Nobel Prize of medicine 2013 Jacky Shekman learned that the pro-Stamina lobby had cited him as one of their support because of an article criticizing the journal Nature; outraged, he answered in virulent terms: "my criticism of Nature have been distorted (...), they were not referring to the Stamina method. We (scientists), we call charlatans and snake oil salesmen who sell drugs whose effectiveness has not been attested ... From what I know, the Stamina method received no scientific validation, it has not been subject to clinical controls. Those who promote “miraculous” therapies without testing act criminally by exploiting vulnerable families who are desperately seeking treatment for their loved ones. »
The activity of these clinics exploiting the distress of patients has became so important that they organize lobbying defending their interests, involving the official agencies that track them. They rely on libertarian speeches and demagogic, explaining, for example, that FDA Regulation does more harm than good, that its rules lead to costs that impede innovation, they delay the arrival of innovations, that patients should be free to decide to hand themselves if they want to try these treatments, as if in despair they were free, lucid and competent to distinguish the scam of the scientific study.  Those people, those crooks are threatening FDA and other regulatory agencies, not the contrary ! And by manipulating desperate patients associations, their lobby has been successfull !; in Korea,  Japan, USA, bills are pushed forwards to break the regulatory framework of drugs put in place in all industrialized  countries for more than fifty years and allow commercialization of treatment based on stem cells on the basis of  very preliminary data !  They should not be allowed unless they have demonstrated their effectiveness and their safety according to recognized good practices !. Back to the Middle Age - Good profits for the swindlers, a return to the merchants of orvietans and theriaque!

It is the responsibility and honor of scientists to defeat the attempts of destabilization and circumvention of the regulatory agencies, to denounce the profiteers of the misfortune, and crooks who criminally exploit the hopes of stem cell, to ensure that their publications and statements are not diverted and exploited by charlatans, and, when they are aware of it,  to denounce them publicly as did Dr. Shekman, and, if necessary, supported by their institutions, to act through judicial. They should also be more careful in their publications. It is theirs to support the efforts of the agencies to prohibit these practices. Otherwise, the trust in the medical and therapeutic research will be even more challenged  and progress impossible, because people will be unable to  realize the difference between a clinical study conducted according to the rules of science and ethics and pure and simple charlatanism.





jeudi 1 décembre 2016

Les margoulins des cellules souches

Les cellules souches : des promesses tenues, beaucoup encore à venir

Dans un blog récent, j’expliquais comment les autorités américaines avaient été amenées à approuver un médicament inefficace, le Sarepta, dans la myopathie de Duchenne sous la pression de malades désespérés bien manipulés par des margoulins. Un schéma analogue, mais d’une autre ampleur, concerne les cellules souches, marigot où s’agitent pas mal de crocodiles intéressés.

Des cellules souches sont des cellules peu différenciées capables de se transformer en certains (cellules souches pluripotentes) ou  en tous (cellules souches totipotentes) types de tissus. C’est le cas de cellules embryonnaires, mais il existe dans de nombreux tissus des cellules souches adultes – les plus anciennement connues sont les  cellules souches hématopoïétiques, issues de la moelle osseuse, capables de se différencier dans toutes les cellules du sang. Ainsi, la greffe de moelle pour soigner les leucémies est-elle la première thérapie cellulaire utilisant les cellules souches, pratiquée depuis les années 1970. De même, les cellules souches cutanées sont utilisées depuis les années 80 pour reconstituer les différentes couches de l’épiderme et greffer les grands brûlés. En ce sens, la thérapie cellulaire par cellule souche est une technique bien validée.

L’utilisation de cellules embryonnaires, et surtout les nombreuses découvertes de cellules souches adultes qui se sont succédé, et bien plus encore la découverte qu’il est possible de prendre de nombreuses cellules adultes ( par exemple de l’épiderme) pour les transformer en cellules souches par une manipulation génétique assez simple et universelle (cellules IPS, ou pluripotentes induites) découverte qui a valu le Prix Nobel de médecine 2012 à  Shinya Yamanaka, ont provoqué une explosion des espoirs en cette technique. Ainsi, des publications suggèrent qu’il est possible de régénérer des cellules cardiaques après un infarctus, des neurones après un AVC,  de guérir la dégénérescence maculaire par des cellules souches embryonnaires humaines  différenciées en cellules de cornées, entre autres. Des espoirs se font également jour dans nombre de maladies neurodégénératives.

Espoirs oui, mais le chemin risque d’être long. Ainsi, souvent, il ne suffit d’injecter des cellules pour qu’elles s’implantent, il semble parfois qu’il faille d’abord les organiser en micro-tissus. Les résultats sont parfois difficiles à reproduire. L’utilisation de cellules souches n’est pas dénuée de dangers potentiels : problèmes de rejet si elles proviennent d’un donneur, problème de croissance tumorale si elles sont induites, etc… L’interprétation des résultats est souvent délicate ; ainsi, dans le cas du traitement des séquelles d’AVC,  la greffe ne semble pas agir directement (les cellules injectées disparaissent), mais par la sécrétion de diverses substances.

Alors je crois qu’il faut appeler les chercheurs à l’autodiscipline et à la modération, à la précaution, à la responsabilité ; même si c’est difficile, à l’understatement de leurs résultats plutôt qu’à la proclamation ronflante ; car ils doivent savoir que nombreux sont les margoulins et escrocs des cellules souches qui n’hésiteront pas utiliser leurs publications aux dépends de patients désespérés.

Le marigot et les crocodiles des cellules souches

Le Monde (14/11/2016) a consacré un article à ce sujet (Cellules souches, gare aux faux traitements). Ainsi les patients atteints de sclérose latérale amyotrophique (SLA), maladie résultant de la dégénérescence des neurones ­moteurs, qui évolue vers la mort en quelques années, face à une médecine qui reste impuissante, sont sollicités par des cliniques privées ou des médecins leur proposant des « traitements miracles » à base de cellules souches. « Les patients sont prêts à rentrer dans n’importe quel protocole ou dans n’importe quelle étude clinique, plutôt que de rester dans la passivité, quitte à outrepasser les ­règles de la recherche clinique », témoigne Jean-Paul Janssens (Genève), qui s’efforce de les alerter sur le ­caractère ­illégal des traitements à base de cellules souches, dont ni l’efficacité ni l’innocuité n’ont été testées chez l’homme ». Jean-Paul Janssens se souvient de l’un d’eux qui, il y a quelques années, a cédé à l’offre d’une clinique basée à Tel-Aviv, en Israël. Le traitement lui a coûté 35 000 francs suisses (32 460 euros). Il était prévu que ses cellules soient prélevées dans une clinique en Suisse romande avant d’être envoyées en Israël pour y être isolées, traitées et réinjectées, sans succès.

Toujours dans Le Monde,  Leigh Turner, de l’Université du Minnesota constate : « Autour de 2008, on a vu apparaître des cliniques dans des pays où les régulations sont inexistantes ou peu appliquées en raison de la corruption, tels que la Chine, l’Inde, le Mexique ou les Caraïbes. Ce constat aujourd’hui n’est plus valable, les cliniques se développent aussi dans les pays industrialisés où les réglementations sont strictes, tels que l’Australie, le Japon, la Suisse, la Floride ou la Californie. ». Ainsi l’autorité suisse Swiss Medic  s’est intéressé aux activités de deux sociétés, Med Cell Europe et Swiss Medica (dont le nom cherche évidemment à provoquer la confusion avec l’agence suisse de régulation, elle- même !). Elles prétendent soigner plus de vingt maladies incluant la Sclérose amyotrophique latérale, la sclérose en plaques, le Parkinson, le diabète, l’infarctus…citant sur leurs sites des dizaines de publication à l’appui de leurs prétentions. Swiss Medic a mis fin à leurs activités … en Suisse, car Swiss Medica continue à recruter des patients en Suisse pour les envoyer dans des cliniques en Russie et en Serbie.
 En Allemagne, Villa Medica prétend soigner à l’aide de cellules fraiches prélevées sur des embryons de moutons. En Italie, pendant des années, la fondation Stamina a « soigné » des patients souffrant de maladies neurodégénératives par des injections extraites de cellules souches – un «traitement de compassion», sans fondement scientifique ; mais Stamina a su mobiliser l’opinion et les pouvoirs publics et a même reçu des fonds publics en faveur de ses affaires. ”. L‘ “inventeur” de la méthode Stamina, Davide Vannoni, est aujourd’hui accusé par la justice italienne de fraude, d’association de malfaiteurs et d’usurpation du titre de médecin.

Les margoulins à l’œuvre

Une anecdote illustre bien les méthodes de ces margoulins : le Prix Nobel de médecine 2013 Jacky Shekman a appris que les lobby pro-Stamina l’avaient cité comme un de leurs soutiens en raison d’un article critiquant la Revue Nature, ; indigné, ; il a répondu en ces termes virulents : “Mes critiques à l’encontre de Nature ont été dénaturées (…), elles ne se référaient pas à la méthode Stamina. Nous (scientifiques), nous appelons charlatans ou vendeurs d’huile de serpent ceux qui vendent des médicaments dont l’efficacité n’a pas été attestée par un laboratoire.... D’après ce que je sais, la méthode Stamina n’a reçu aucune validation scientifique, elle n’a pas été soumise à des contrôles cliniques. Ceux qui promeuvent des thérapies miraculeuses sans les tester agissent de manière criminelle en exploitant des familles vulnérables qui sont désespérément en recherche de traitement pour leurs proches. »
L’activité de ces cliniques exploitant la détresse des patines commence à prendre une telle importance qu‘elles s’organisent en lobby défendant leurs intérêts, mettant en cause les agences officielles qui les traquent. Elles s’appuient sur des discours libertariens  et démagogiques, expliquant par exemple que la réglementation de la FDA fait plus de mal que de bien, que ses règles entrainent des coûts qui entravent l’innovation, qu’elles retardent l’arrivée des innovations, que les patients devraient être libres de décider part eux-mêmes s’ils veulent essayer tels ou tels traitements, comme si, dans un  état grave, ils étaient libres, lucides et compétents pour distinguer l’escroquerie de l’étude scientifique. Et, manipulant les associations de patients désespérés, leur lobby trouve un écho inquiétant ; en Corée, au Japon, aux USA, des projets de loi visent à rompre le cadre réglementaire d’évaluation des médicaments mis en place dans tous les pays industrialisés depuis plus de  cinquante ans et à permettre la commercialisation de traitement à bases de cellules souches sur la base de données préliminaires, sans qu’elles ait fait la preuve de leur efficacité et de leur innocuité selon les bonnes pratiques en vigueur. De bons profits pour les margoulins, le retour aux marchands d’orviétans et de thériaque !


Il en va de la responsabilité et de l’honneur des scientifiques de mettre en échec les tentatives de déstabilisation et de contournement des instances règlementaires, de dénoncer les profiteurs du malheur, et les escrocs qui exploitent criminellement les espoirs des cellule souches, de veiller à ce que leurs publications et déclarations ne soient pas détournées et exploitées par les charlatans, et, le cas échéant, de le dénoncer publiquement comme l’a fait le Dr Shekman, et, au besoin, soutenus par leurs institutions, d’agir par voie judiciaire. Il leur appartient aussi d’être plus prudent dans leurs publications. Il leur appartient de soutenir les efforts des agences pour interdire ces pratiques. Faute de cela, la crédibilité dans la médecine et la recherche thérapeutique sera encore plus gravement atteinte et le progrès impossible, car plus personne ne pourra faire la différence entre une étude clinique menée selon les règles de la science et de l’éthique et la charlatanerie pure et simple.