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mercredi 16 décembre 2015

Dérive à l’Office Européen des Brevets : le pataquès brocoli tomate


Un office à la dérive
Non seulement l’Office Européen des Brevets (OEB)est en crise constante, avec un dialogue social catastrophique, des suicides, des harcèlements, le tout protégé par une immunité de juridiction, d’ailleurs aberrante qui autorise à sa direction toute violation du droit syndical et des droits les plus élémentaires des salariés, mais en plus il prend, dans le domaine des biotechnologies, des décisions aberrantes qui vont à l’encontre des positions des principaux pays européens, mettent en péril l’excellent système européens  des Certificats d’Obtention Végétale (COV) et sont même en contradiction avec l’évolution de la jurisprudence américaine, pourtant en général favorables au brevet. De quoi s’agit-il ? De la possibilité de breveter des gènes natifs, c’est-à-dire des gênes existant dans la nature, non pas même des gênes par génie génétique, et les organismes qui les contiennent. Le débat s’est focalisé sur deux exemples : le brocoli de Plant Bioscience  et une tomate, dont l’Etat Israélien  demandait la protection.
Dans les deux cas, ces organismes ont été obtenus par des méthodes de sélection classiques, et non pas par des méthodes de génie génétique. Pour le brocoli, l’expression d’un gêne produisant des substances supposées lui conférer de meilleures propriétés de protection contre le cancer a été augmentés ; dans le cas de la tomate, il s‘agit d’une variété capable de donner des tomates sèches sur pied.  A la question : « si l’on découvre un lien entre une séquence génétique existant naturellement dans une plante cultivée et un caractère particulier de cette plante, peut-on devenir propriétaire de toutes les plantes exprimant ce caractère ? », la grande chambre de recours de l’OEB a répondu oui.
Une première étape qui a suscité une inquiétude légitime, tant elle ouvre un espace d’incongruités totales. On ne sait pas exactement ce qui serait brevetable: le gène, la fonction, dans la plante, l’espèce ou le groupe entier. Alors que se passerait-il pour les variétés qui contiennent ou acquerraient naturellement le gêne considéré ? Tous les brocolis naturellement antioxydants deviendraient propriétés  de Plant System ? C’est ce que semble soutenir la directive européenne 98/44/CE, qui affirme : « la protection conférée par un brevet à un produit contenant une information génétique, ou consistant en une information génétique s’étend à toute matière, sous réserve que l’information génétique exerce sa fonction ». Une directive faite pour protéger les organismes génétiquement modifiés, qui, appliquées aux gènes natifs, devient absurde. Il s’agit en plus d’une novation totale en contradiction avec le principe même du brevet, qui protège une invention, et non une découverte, en l’occurrence celle d’un gêne existant naturellement et de sa fonction. Enfin après quelques hésitation, des brevets revendiquant des gênes natifs humains en vue de leur utilisation dans le diagnostic des cancers (brevets Myriad Genetics)  ont été invalidés d’abord en Europe, mais davantage pour des questions de forme, puis, après quelques hésitations, par une décision définitive, en 2013, de la Cour Suprême des USA. La raison de fond en est que la communauté scientifique admet (et cela  d’ailleurs été démontré) qu’accepter ce genre de brevets reviendraient à entraver considérablement la mise au point de test plus performants, lus précis ou plus économiques, donc à entraver le progrès thérapeutique. La décision de l’Office Européen des brevets allait donc à l’encontre, à la fois, du principe même des brevets (une invention), de décisions déjà prises par les USA et l‘Europe, de la volonté des Etats Européens de ne pas accepter de brevets sur les gênes natifs, et de tout bon sens quant aux conséquences de ces arrêts.
Pourquoi de telles dérives ? On hésite entre une certaine imbécillité juridique, des conflits d’intérêts (l’Office Européen des brevets est payé par les redevances des utilisateurs et a donc intérêt à étendre autant que possible le  domaine du brevet)  et parce que ses experts sont des experts européens et non des représentants des Etats Européens  (ces explications sont proposées dans un dossier très intéressant consacré à cette affaire par La Recherche de novembre 2015). Alors que la propriété industrielle est une composante essentielle d’une saine politique de recherche et de développement, cette indépendance de l’Office Européen des Brevets vis-à-vis de toute politique européenne, mais pas de ses propres intérêts est inquiétante. La stratégie européenne de protection industrielle est chose trop sérieuse pour être confiée entièrement à des juristes, sur des critères purement juridiques
Une attaque contre le système vertueux et efficace des Certificats d’Obtention Végétale (COV)
L’affaire des brocolis/tomates n’est au surplus qu’ un révélateur d’une tendance inquiétante. Ces dernières années, plus d’un millier de demandes de brevets ont été déposées auprès de l’OEB pour des plantes obtenues par des méthodes de sélection classiques. C’est tout le système des Certificats d’Obtention Végétale (COV), intelligent et bien utile, qui est attaqué. Ce système a été imaginé  par le français Jean Bustarret, futur responsable de l’INRA, juste après la seconde guerre mondiale. A une époque où l’Europe et la France souffraient encore de restrictions alimentaires, - et la France importait 50% de son alimentation),  il s’agissait de favoriser l’innovation en matières de semences, tout en la protégeant. Le COV protège la variété végétale uniquement lors de sa commercialisation. En revanche, agriculteurs, chercheurs, semenciers peuvent l’utiliser librement pour générer d’autres variétés végétales, qui, à leur tour, pourront être protégées par un COV. En ce qui concerne l’amélioration des semences par des méthodes traditionnelles, donc des croisements impliquant des gênes natifs, ce système est bien supérieur à celui des brevets, et ^lus logique, puisque le fonds génétique naturel reste disponible à tous pour être réutilisé. Au contraire, breveter des gênes natifs empêcherait l’innovation en empêchant les chercheurs de travailler librement et en créant d’inextricables dépendances en cascade. Christian Huygues, directeur scientifique adjoint de l’INRA, dans le même dossier de La Recherche de novembre 2015,  résume : « le brevet ne vise qu’à maximiser le profit individuel et non l’innovation collective ». Et il précise que depuis sa fondation en 1961, de l’Union Internationale  pour la protection des obtentions végétales (Upov), qui promeut le certificat d’obtention végétale, celle-ci a été rejointe par 72 instances nationales ou internationales – mais les USA en sont absents, les brevets étant très chers aux lawyers américains … Une démonstration  de l’efficacité du système des COV a été faite en 1993, lorsque l’Australie a ratifié la convention de l’Upov ; la recherche australienne sur les variétés végétales a alors fait un bond. Ce système est plébiscité par les états européens, par les semenciers, en particulier français , et par les agriculteurs indépendants qui veulent travailler avec leurs propres semences ; il serait paradoxal que la dérive malfaisante de l’OEB lui porte préjudice.
 
 

mardi 15 décembre 2015

L’hydroélectrique a un bel avenir


Ce billet fait suite aux deux précédents de début décembre et fin novembre (Privatiser les barrages hydroélectriques : une folie et  L’énergie électrique : trop sérieux pour être confié aux économistes ?) inspirés par la  colère et l’inquiétude devant la mise en demeure de la Commission Européenne de privatisation des barrages et l’ineptie du gouvernement français, qui contrairement aux autres pays européens, n’a rien fait pour y échapper), alors qu’au contraire, l’énergie hydraulique constitue une énergie propre et renouvelable, dans laquelle de nombreux progrès sont possibles et qu’un  programme hydraulique ambitieux d’investissement et de modernisation devrait être mis en place, qui suppose une intervention et une mobilisation des pouvoirs  et organismes publics.
Au moment donc, où la France est mise en demeure par la Commission Européenne de privatiser ses barrages hydroélectriques (à cause de l’impéritie de ses gouvernements successifs, car les autres pays européens se sont débrouillés pour échapper à cette injonction - cf mon précédent billet), alors que les Suisses investissent intensivement dans la modernisation de leurs barrages, l’électricité hydraulique a un avenir et des solutions novatrices sont en cours de développement.  L’émission de France Inter- les reportages des radio francophones publiques du 6 décembre 2015 – en a donné deux exemples français.
Des turbines fluviales
Avec le barrage de la Rance, la France a été l’avant-garde de l’utilisation des marées pour produire de l’énergie électrique. Hydrotube énergie à Bordeaux développe des hydroliennes destinées aux fleuves. Pourquoi Bordeaux ? Parce que la Garonne constitue un endroit idéal pour tester ces hydroliennes fluviales ; et parce que le savoir-faire des sous-traitants de l’aéronautique est extrêmement utile au défi que s’est donné Hydrotube et son PDG épris de voile et ancien de l’America Cup, Franck Jouanny . Leur prototype H3 placé sur un flotteur de 10 mètres sur 4,5 mètres pèse 5 tonnes et est équipé d’une turbine de 3,5 mètres de diamètre ; des triples jupes latérales le protègent des éléments charriés par le fleuve.  Placé au milieu de la Garonne, dans un fleuve réputé capricieux et des courants variants entre 0.5 et 2.5 mètres par seconde, H3 sera raccordé au réseau en 2016 et devrait fournir une puissance comprise entre 5 et 20 kW, de quoi alimenter les besoins électriques de 12 personnes en moyenne. Débuts modestes, mais qui devraient permettre de tester la fiabilité et la solidité de l’hydrolienne.
Ensuite, ce sera l’Afrique : La technologie de l’hydrolienne est particulièrement attrayante pour le continent africain et ses fleuves gigantesques, en raison de  la faiblesse des coûts (en effet, on estime à 3 ou 4 centimes le prix du kilowattheure généré si un H3 était installé sur le fleuve Congo), d’une maintenance facile et d’une production continue facilement accessible dans un continent où les coupures électriques fréquentes sont un facteur limitant du développement économique. Un modèle installé sur un fleuve comme le Congo pourrait atteindre une puissance de 50 kW et alimenter 3000 personnes pendant un an, pour un coût entre 80.000 et 100.000 euros pour le moment mais qui devrait s’abaisser à 50.000 à 60.000 euros une fois que l’appareil sera produit en série. Après, quand la rentabilité de l’hydrolien sera semblable à celle de l’éolien et du photovoltaïque,  peut-être un retour en France.
Openhydro et la diversification de la DCNS
Autre projet, en mer celui-ci, et d’une autre taille. Société d’origine irlandaise, Openhydro a construit la première hydrolienne  marine ayant produite de l’électricité en 2006 en Angleterre, avec une turbine de 6 mètres de diamètres. Reprise par la DCNS ( Direction des Construction Navales, le descendant des arsenaux navals historiques – depuis 1631 !) , Openhydro a changé d’ambition et ses hydroliennes de taille. Produites à Cherbourg, les turbines ont maintenant des rotors de  16 mètres de diamètres, équivalent d’un immeuble de quatre étages ; l’installation finale est produite dans les arsenaux de Brest. Turbines Marines, les hydroliennes d’Openhydro bénéficient du savoir-faire marin des arsenaux de la DCNS et du savoir-faire en matière déoline d’EDF- énergies renouvelables, qui est associé au projet.  Openhydro propose une solution originale, simple et économique. Emboitées sur des fondations en bêton, la turbine est simplement coulée,  posée sur le fond, sans travaux, sans bétonnage des fonds.  C’est une facilité d’installation inédite, qui, de plus, convient mieux aux circonstances exceptionnelles de très forts courants, et est facilement réversible. Une première hydrolienne doit être installée dans l’un des plus forts courants maritimes au large des côtes européennes , dans le raz Blanchard  ( des courants de douze nœuds lors des marées d’équinoxe !) Mais bien que le groupe maintenant français privilégie une première installation en France, il n’est pas sûr que les premières de ses hydroliennes soient raccordées au réseau français. En effet, un second projet d’implantation des super hydroliennes d’ Openhydro avance rapidement, au Canada, en baie de Fundy ( cette fois, les courant le plus forts au monde , des records de marnage de 21 mètres). La raison : là où en France, le groupe, malgré l‘appui de la DCNS et d’EDF, doit faire face à des interlocuteurs multiples aux intérêts contradictoires, et à une complexité administrative décourageante, au Canada, un dispositif de « guichet unique » facilité considérablement son travail. Or, même si la technologie d’Open hydro est particulièrement attractive, il existe de nombreux concurrents japonais, anglais, canadiens, etc. , et une course est engagée, avec une prime importante au premier qui réussira à faire la preuve de la faisabilité, de la fiabilité et de la rentabilité d’une exploitation industrielle.
La course au nouvel hydroélectrique : la France en sera-t-elle ?
L’hydroélectrique, que ce soit sous la forme plus traditionnelle mais toujours en évolution des barrages fluviaux, ou sous la forme plus nouvelle  des hydroliennes a un bel avenir comme énergie renouvelable. Par sa situation géographique, la longueur de ses côtes, par son savoir-faire historique, la France et son industrie pourraient y jouer un rôle important. Mais encore faudrait-il qu’il y ait une prise de conscience de ses possibilités, et une volonté de développer ce secteur, notamment en accordant à l’énergie hydraulique le même régime qu’au solaire et à l’éolien. Et aussi, un champion national pour porter ce projet. Seulement, la priorité des fous libéraux de la Commission Européenne et de ceux qui les écoutent béatement était de casser EDF ; et voilà maintenant la menace de la privatisation des barrages par mise en demeure de la Commission Européenne, qui sonnerait le glas du développement de l’hydraulique en France. Comment traduit-on, en volapuck libéral «  se tirer une balle dans le pied « ? Concurrence livre et parfaite dans le domaine des biens publics ?
 
 

dimanche 13 décembre 2015

Islam, Islamism: a positivist view


What happened?
 After the  terrorrists attack in Paris in January and November 2015, we need, beyond normal stunning, a reflection on islam. What has happened? (this referring of course to the very useful book of Bernard Lewis, who already pointed  the divorce between Islamic civilization and the mind of modernity, especially of modern science).
Here is a possible positivist analysis. There are laws of evolution of societies (law of the three states from Auguste Comte, etc), as there are physical, chemical, biological laws. In Islamic civilization, these laws, at least in three critical moments, have not been followed.
In the seventh century, the Arab world has  transitioned directly from fetishism (or animism, for example adoration of the Kaaba) to monotheism, without going through the intermediate stages of the Egyptian and Greco-Roman type polytheisms (sacerdotal, then military supremacy). The result is a monotheism imported ( from Jews and Christians) in a society and minds that were not prepared by an endogenous evolution, an incomplete monotheism, which has not set up the separation of spiritual and temporal, and practice more than other religions that have evolved differently, the conversion by conquest.
During the 20th century, Arab-Muslim civilization has tried to transition from the theocratic state to a positive, industrial, secular state, all still under imported influences, without the necessary preparation by what Auguste Comte calls the “critical phase”, i.e. without having assimilated the ideas of freedom of thought, sovereignty of the people and equality to dissolve respectively the religious, political and social theocratic order. This resulted in great disorders and inept or unbearable dictatorships.
Finally, the Arab-Muslim civilization was faced to the results of Western science and its technical powers, without the necessary preparation of the scientific  mind and of the scientific method.
Positivist laws of evolution of societies may thus not be ignored without causing immense chaos and regression. There may not be "democracy building", "civilization building" without an internal sociological development.
What to do? Malala.
Posing the problem, positivism proposes a possible solution. It is through training to the scientific mentality and the understanding of the methods and results of the major sciences, that a  beneficial evolution may occur. More there will be Muslims studying science, more there will be  Muslims engineers, scholars, more  Islamic fanaticism and  theocratic violence will vanish. The West can (and must) help this evolution, it cannot replace it.
Sounds naive? Then listen to the formidable Malala, the  Pakistani girl seriously wounded by Muslim fundamentalists because she braved their ban to go to school, no doubt one of the most deserved Nobel Prize for Peace , and also one of the  more poignant speech :
"Education is one of the blessings of life — and one of its necessities. It has been my experience during the 17-year life expectancy. In my house in the Valley of Swat, in the North of Pakistan, I have always loved school and learning new things. I remember when my friends and I were painting our hands with henna for special occasions. Instead of drawing flowers and other models, we painted our hands with mathematical equations and formulas. »
And Malala to call the US to stop drone attacks in the border regions of Pakistan and clarify: "I want education for the sons and daughters of all the terrorists."
Then, from a spiritual and theoretical point of view, Michel Onfray is right to call to stop military interventions in Muslim countries. You do not build colleges and schools under the bombs, on the contrary; but political temporal power has its own obligations and practical constraints ; it is his honor and his servitude, which remain still separate in part from the spiritual realm ; in certain cases, there is no way than to destroy him who defined himself as  your enemy, before he destroys you.
Any thoughts cannot ignore the pain of the victims and their loved ones. For a positivist, victims join subjective immortality ( all convergent humans, past and to come) and their memory will remain. Newspapers that have begun to publish their portraits do well. The terrorists, they will know neither hell nor paradise; having lived as enemy of humanity, they will be forgotten by humanity. A good measure would be to mention their names the least possible, if not by a generic name - Islamist terrorists. Moreover, it would have the merit of not to stigmatize their families.
"Islam has been the great second attempt after Catholicism, to establish the unity of the human race. Islam was an attempt to build unity of the human race on both religious, political, military and economic grounds.  In this respect, its action must appear  less universal than Catholicism, because islam was more about the reality and not merely a moral improvement plan to win the sky. Thus, there is in islam a whole system of social and moral property organization. Instead of merely, like Catholicism, to engage more or less vaguely to a more or less charitable use of wealth, islam is everywhere where it prevails a property organization which prescribes legal duties as much as moral. But the establishment of a such a system necessarily implies the conquest, because it cannot settle by persuasion only. » Pierre Laffitte, Auguste Comte main disciple, on separation between temporal and spiritual in Islam.
 

Islam, Islamisme : une vue Positiviste


Que s’est il passé ?
Les attentats de Paris de janvier et novembre 2015, nous imposent, au-delà de la sidération normale,  une réflexion sur l’islam. Que s’est-il passé ? (ce titre faisant allusion bien sûr à l’utile essai de Bernard Lewis, qui pointait déjà le divorce des civilisations islamiques et de l’esprit de la modernité, en particulier de la science moderne).
Voici une analyse  positiviste possible.  Il existe des lois d’évolution des sociétés (loi des trois états de Comte, etc.), comme il existe des lois physiques, chimiques, biologiques. Dans les civilisations islamiques, ces lois, au moins en trois moments critiques, n’ont pas été suivies.
Au septième siècle, le monde arabe est passé directement du fétichisme (ou animisme, par exemple l’adoration de la Kaaba) au monothéisme, sans passer par les étapes intermédiaires des polythéismes de type égyptiens et greco-romains (suprématie sacerdotale, puis militaire). Il en est résulté un monothéisme importé (des juifs et des chrétiens) dans une société et des mentalités qui n’ y étaient pas préparés par une évolution endogène, un monothéisme incomplet, qui n’ a pas mis en place la séparation des pouvoirs spirituels et temporels, et qui, cela est lié, pratique plus que les autres religions qui ont évolué différemment, la conversion par la conquête.
Au cours du XXème siècle, la civilisation arabo-musulmane a tenté de passer de l’état théocratique à l’état positif, industriel, laïque, le tout encore sous des influences importées, sans l’indispensable préparation de la phase critique, c’est-à-dire sans avoir assimilé les idées de liberté de pensée, de souveraineté du peuple et d’égalité pour dissoudre respectivement l’ordre théocratique, politique et social . Il en est résulté de très grand désordres et des dictatures ineptes ou insupportables.
Enfin, la civilisation arabo-musulmane s’est trouvée confrontée aux résultats de la science occidentale, à ses pouvoirs techniques, sans l’indispensable préparation de la mentalité et de la méthode scientifique.
Les lois positivistes d’évolution des sociétés ne peuvent ainsi être ignorées sans causer d’immenses chaos et régression. Il ne peut y avoir de « democracy building », de « civilisation building » sans une évolution sociologique propre.
Que faire ? Malala.
Posant ainsi le problème, le Positivisme permet d’entrevoir une solution possible. C’est par la formation à la mentalité scientifique, à la compréhension des méthodes et résultats des principales sciences  qu’une évolution bénéfique pourra se produire. Plus il y aura de musulmans étudiant les sciences, plus il y aura d’ingénieurs, de chercheurs musulmans, plus le fanatisme islamisme, plus la violence théocratique reculeront. L’occident peut (et doit) aider cette évolution, il ne peut s’y substituer.
Cela paraît naïf ? Alors écoutons la formidable Malala, cette fillette pakistanaise gravement blessée par les intégristes musulmans parce qu’elle bravait leur interdiction d’aller à l’école, sans doute l’un des Prix Nobel de la Paix les plus mérités qui soit, et aussi l’un des discours es plus émouvants :
« L'éducation est l'une des bénédictions de la vie - et un de ses nécessités. Cela a été mon expérience pendant la durée de vie de 17 ans. Dans ma maison dans la vallée de Swat, dans le nord du Pakistan, je ai toujours aimé l'école et apprendre de nouvelles choses. Je me souviens quand mes amis et moi-même décorions nos mains avec du henné pour des occasions spéciales. Au lieu de dessiner des fleurs et autres modèle,  nous peignions nos mains avec des formules et équations mathématiques. »
Et Malala d’appeler les USA à cesser les attaques de drones dans les régions frontalières du Pakistan et de préciser :   « Je veux l'éducation pour les fils et les filles de tous les terroristes ».
Alors, d’un point de vue spirituel et théorique, Michel Onfray a raison d’appeler à cesser les interventions militaires dans les pays musulmans. On ne construit pas des collèges et des écoles sous les bombes, au contraire ; mais  le pouvoir temporel politique a ses propres obligations et sujétions pratiques, c’est son honneur et sa servitude, qui demeureront toujours séparées en partie du domaine spirituel ; en certaines extrémités, il faut bien détruire celui qui s’est désigné comme votre ennemi avant qu’il ne vous détruise.
Toute réflexion ne peut ignorer la douleur des victimes et de leurs proches. Pour un Positiviste, les victimes rejoignent l’immortalité subjective, ensemble des êtres convergents passés et à venir, et leur mémoire subsistera. Les journaux qui ont entrepris de publier leurs portraits font bien. Les terroristes, eux, ne connaîtront ni enfer, ni paradis ; ayant vécu en ennemi de l’humanité, ils seront oubliés par l’humanité. Une bonne mesure serait de les nommer le moins possible, sinon par un nom générique – terroristes islamistes. Au surplus, cela aurait le mérite de ne pas stigmatiser leurs familles.
« L'islam a été la seconde grande tentative, après le catholicisme, pour fonder l'unité du genre humain. L'islam fut une tentative à la fois religieuse, politique, militaire et économique pour constituer l'unité du genre humain. Sous ce rapport, son action doit apparaître avec un caractère moins universel que le catholicisme, parce que l'islam serrait de plus près la réalité et ne se contentait pas de superposer aux situations affectives un plan d'amélioration morale pour gagner le ciel. Ainsi, il y a dans l'islam tout un système d'organisation sociale et morale de la propriété. Au lieu de se borner, comme le catholicisme, à engager plus ou moins vaguement à un emploi plus ou moins charitable de la richesse, l'islam constitue partout où il prévaut une organisation de la propriété qui prescrit des devoirs légaux autant que moraux. Mais l'établissement d'un pareil système suppose nécessairement la conquête ; car il ne peut s'établir par la persuasion seule. » Pierre Laffitte,
 

samedi 12 décembre 2015

Privatiser les barrages hydroélectriques : une folie


Les Suisses croient à l’hydroélectrique public : Nant de Drance
Au moment où la France est mise en demeure par la Commission Européenne de privatiser ses barrages hydroélectriques (à cause de l’impéritie de ses gouvernements successifs, car les autres pays européens se sont débrouillés pour échapper à cette injonction - cf mon précédent billet), les Suisses, eux, croient à l’hydraulique, et, par contre, ne croient pas au simple jeu du marché en matière énergétique. En témoignage le très intéressant reportage de la Radio Suisse diffusé par France Inter- les reportages des radio francophones publiques- 6 décembre 2015)
Ainsi la Suisse investit lourdement dans le barrage de Nant de Drance pour en faire la plus importante station du pompage turbinage, d’une capacité de 900 mégawatts, représentant l’équivalent d’une centrale nucléaire. Le pompage-turbinage consiste à faire fonctionner un barrage hydroélectrique dans les deux sens, l’eau étant pompée lorsque le réseau électrique est en surproduction, et relâchée (turbinée) lorsqu’il est nécessaire de produire de l’électricité. C’est donc un excellent moyen de stockage et de production d’une énergie électrique totalement propre. C’est aussi un chantier gigantesque de l‘ordre de deux milliards de francs suisses, avec une  conduite de 1000 mètres à forer entre le barrage d’altitude, situé à 2000 mètres, et le lac inférieur, et une salle des machines de superficie égale à deux stades de football, une fantastique caverne au plus profond de la roche.
Oui, mais expliquent les responsables du projet, l’installation ne sera pas rentable à court terme et n’a pu être envisagée que grâce à une concession exceptionnelle de 80 ans. En fait, il est heureux que les travaux aient été décidés et commencés il y a environ quatre ans, sinon ce barrage n’auraient jamais vu le jour. En cause le déséquilibre du marché causé par les subventions au solaire et à l’éolien, en particulier par les Allemands. Sans subventions, expliquent les Suisses, l’énergie renouvelable la moins polluante n’est pas rentable. Ainsi se trouve-t-on, en particulier en France, dans une situation où l’investissement dans l’amélioration de l’hydroélectrique est artificiellement pénalisé.
Au contraire de la Suisse, l’hydraulique français sacrifié !
Le programme suisse d’investissement dans l’hydroélectrique ne se borne pas au superbe chantier de Nant de Drance. Les barrages les plus simples, ceux dits au fil de l’eau, dont certains sont centenaires, seront réaménagés ; c’est un programme de vingt-trois millions d’euros qui est envisagé, alors que pour l’instant, rappelons-le, la plupart  des barrages sont déficitaires.  Mais il s’agit de préserver un capital pour le futur, d’éviter le démantèlement d’installations vieillies mais à bon potentiel, d’éviter des pertes de compétences, des diminutions de stockage. Alors, les Suisses ont un programme hydraulique ambitieux, d’investissements, de créations de nouvelles dérivations, et une stratégie à l’horizon 2050 que leur permettra de diminuer beaucoup le nucléaire (aujourd’hui 40% de la production électrique contre 55% pour l’hydraulique) tout en gardant leur indépendance énergétique. Et, pour cela, malgré leur allergie connue aux augmentations d’impôts, une taxe sera prélevée sur les autres énergies.
La France aussi a un potentiel hydroélectrique important. On pourrait rêver d’un EDF modernisant ses barrages à l’exemple de la Suisse, les rendant plus performants, investissant pour éviter pertes de compétences et de production de l’énergie la plus écologique qui soit. D’un EDF qui redeviendrait un champion national et  international de l’hydraulique, comme il l’a été au moment de la construction du barrage de la Rance, et encore récemment, du barrage laotien de Nam Theun 2.
Mais, non, il était urgent au nom de la sacrée concurrence de démanteler EDF-GDF. Et maintenant, il est urgent de privatiser les barrages hydroélectriques, au nom des dogmes de la Commission Européenne ; ce qui signifie à terme pertes de compétences, perte d’un capital légué par es générations, perte de production d’une énergie écologique et renouvelable. Car comment le privé investirait-il dans une énergie déficitaire, alors que même les Suisses conviennent que face à la distorsion du marché, un investissement public est nécessaire.
Grâce encore une fois à l’impéritie de nos gouvernements successifs (car il aurait été parfaitement possible de contourner, comme l’ont fait la plupart des autres pays, la directive européenne), c’est à l’inverse de la Suisse, vers un bradage et une dégradation de l’hydroélectrique que nous allons. Inquiets, révoltés, déboussolés, les hydrauliciens  d’EDF ont fait, coup sur coup, deux grèves très suivies, dans une indifférence  assez générale (plus de 60% de grévistes dans l’hydraulique, mais les media libéraux  ont en général ramené le taux de grévistes au total d’EDF, ce qui est assez déloyal et trompeur) ce qui a entraîné une sérieuse baisse de production et contraint EDF à racheter du courant à prix élevé.
L’énergie est trop sérieuse pour être abandonnée au marché, surtout si l’on veut respecter les objectifs de la COP21. EDF doit redevenir un champion de l’hydraulique en France et à l’étranger
 
 

mercredi 18 novembre 2015

L’énergie électrique : trop sérieux pour être confié aux économistes ?


Menace sur les barrages français : mise en demeure de la Commission

On avait déjà vu les dégâts causés par la privatisation de la production électrique en Californie, ce sont maintenant les barrages et l’électricité hydro-électriques française qui sont dans le collimateur des fous libéraux de la Commission Européenne.  Il est vrai que la France ne peut pas faire semblant de découvrir le problème (cf mon billet précédent : Electricité : vers le grand noir !

Donc la Commission Européenne veut imposer la concurrence sur l’énergie hydroélectrique, Pourtant, il s’agit d’ un marché naturellement limité et concernant des ressources publiques – 1) on ne peut pas construire autant de barrages que l’on veut. 2) C’est une industrie où la sécurité est primordiale et le profit ne peut être le seul moteur – les barrages ont tué plus que le nucléaires. 3) C’est un secteur qui a été relativement négligé ces dernières années et qui nécessite de gros investissements, pour la sécurité et aussi pour augmenter la productivité, et les expériences étrangères montrent que les opérateurs privés ne les feront pas. 4) Enfin, l’énergie hydroélectrique constitue une énergie durable et écologique au plus haut point, et une énergie d’appoint mobilisable à volonté lorsqu’une pénurie menace, justement ce dont nous avons le plus grand besoin !

En France, cette politique de le Commission a trouvé un relais dévoué avec la Cour des Comptes, qui a cru bon d’appuyer la demande européenne de mise en concurrence des barrages hydroélectriques ; ils connaissent tellement bien le sujet qu’il a d’ailleurs fallu leur expliquer gentiment que la concession, pour des raisons techniques évidentes, ne pouvait se faire barrage par barrage, mais par vallées entières. La Cour des Comptes, ce sont des comptables et pas des stratèges industriels !

Les Allemands ont gentiment expliqué à la Commission que leurs monopoles régionaux équivalent à une concurrence au niveau national, et que donc, ils ne feraient rien ;  les Portugais se sont dépêchés de faire passer leurs concessions de service public sur l’hydroélectrique à cent ans ; l’Autriche a choisi 80 ans, ce qui laisse aussi le temps de voir venir les prochaines Commissions. La Norvège et la Suède ont carrément choisi de garder le contrôle public de leurs barrages – ce qui n’empêche pas les Suédois d’être candidats à la reprise de barrages en France.

 En France, nous n’avons rien fait, et nous voilà au pied du mur puisque la Commission vient d’envoyer  début novembre 2015 une mise en demeure  extrêmement sèche, comme le révèle notamment Mediapart du 3 novembre 2015 : « La Commission considère que les mesures par lesquelles les autorités françaises ont attribué à EDF et maintenu à son bénéfice l’essentiel des concessions hydroélectriques en France sont incompatibles avec l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. ». Missive ou missile de Margareth Vestager expédié à Laurent Fabius. La seule réaction du gouvernement français semble être de faire semblant de n’avoir pas reçu la mise en demeure en question, et le manque de réponse appropriée provoque l’inquiétude.

 Comment se tirer une balle dans le pied

Cette politique de l’ignorance ayant brillamment réussi, il semble que nous ayons décidé de la continuer. Le flou des intentions du gouvernement et du Ministère de l’Ecologie concerné au premier chef entretient une inquiétude légitime qui augmente, notamment à EDF. D’autant que la solution que semblait envisager Ségolène Royal ( la constitution de société d’économie mixte  impliquant les collectivités locales ») n’est guère rassurante au vu dont sont gérées les concessions de fournitures d’eau, guère rassurante pour la sécurité de l’approvisionnement en France, pour l’investissement, pour la sécurité, hydraulique, mais aussi nucléaire, pour l’intérêt du consommateur- la rente hydraulique se trouvant confisquée par des actionnaires privés

La façon dont la France s’est tirée une balle dans le pied est instructive : loi Sapin de 1993 obligeant à la mise en concurrence lors du renouvellement de concession ; abandon du statut de service public d’EDF en 2006 ; absence de réaction en 2011 lors de la directive européenne sur les concessions, où il aurait été encore possible d’exclure les barrages hydroélectriques, comme l’ont fait les Allemands. Et c’est ainsi que nous nous retrouvons les seules à passer sous la fourche caudine de la concurrence libre et non faussée, dogme exclusif du culte de la Commission.

Tant et si bien que la France se retrouverait la seule en Europe à ouvrir ses barrages  hydroélectriques à la concurrence, alors qu’elle possède le deuxième réseau européen, amorti, et qui produit l’énergie la moins chère entre 20 et 30 euros le Megawatt.heure , contre 50 euros pour le nucléaire et 80 euros pour l’ éolien et le solaire.

Comme Mediapart l’indique dans son article, « cette remise en cause est lourde de conséquences, non seulement pour EDF, mais pour l’ensemble du système électrique français. Représentant un peu plus de 12% de la production électrique en France, les barrages constituent la seule énergie stockable, disponible à tous moments, pour assurer la continuité sur le réseau face  aux consommations de pointe et aux intermittences de la production, devenues de plus en plus fréquentes avec l’émergence des autres énergies renouvelables. ( éolien et solaire). Ce sont aussi les barrages qui soutiennent la sûreté du parc nucléaire français, bâti au bord de l’eau, en fournissant l’eau nécessaire au refroidissement des centrales ».

Les spécificités du Parc Français, et notamment le lien entre l’hydraulique et la sécurité nucléaire devraient permettre d’échapper aux mises en demeures de la Commission, encore faudrait-il que les politiques rattrapent leurs multiples erreurs précédentes et indiquent une volonté claire de préserver la propriété publique de l’hydraulique français.

 Le retour de la politique industrielle : pas trop tard ?

L’hydraulique n’est qu’un exemple, l’un des plus inquiétant, d’une politique industrielle à vau-l’eau…inexistante depuis qu’elle est abandonnée  aux économistes  et à leurs dogmes. En témoigne, d’une certaine façon, un article du très libéral Le Boucher dans le très libéral L’Opinion : La ruine des industries gaullo-pompidoliennes (L’Opinion, 25 Octobre 2015). Citations : « Le donjon n’en est plus un. EDF n’a pas la force d’éclairer seul les Français. Des industries nées de la volonté du général de Gaulle et de la pugnacité de Georges Pompidou, il ne va bientôt plus rester grand-chose. Toutes ces puissances, adossées à l’Etat interventionniste, sont en ruines ou proche de l’être.

Dans cet espace hier fortifié, EDF était le donjon. Premier groupe d’énergie électrique dans le monde, des ingénieurs les meilleurs, des employés à haut dévouement, une image d’excellence entretenue par ces hommes en haut des pylônes dans les tempêtes d’hiver, raccordant les populations isolées…. Mais surtout, cet aveu de Jean-Bernard Lévy : le groupe n’aura pas la capacité financière de construire seul ses centrales, il lui faudra trouver des partenaires.

On a bien lu : le donjon n’en est plus un. EDF n’a pas la force d’éclairer seul les Français. Déjà qu’il a perdu son monopole mais en plus, pour ce qui le concerne, pour sa part de marché, il n’a pas les moyens financiers. En clair, il faut des «partenaires» et comme EDF a dû le faire en Grande-Bretagne, les Chinois seront sans doute parmi eux.

Se rend-on bien compte de la situation de la France ? EDF contraint de faire comme un vulgaire Peugeot appel aux Chinois... La France gaullo-pompidolienne n’a plus de courant. Coupure. Sans Chinois, ou d’autres, nous devrions faire le noir pendant des heures de la journée, comme le Venezuela.

La France n’a plus les moyens d’être autonome pour son électricité. On cauchemarde.

Mais EDF n’est pas seul. Faites le tour du paysage, c’est pire.. »

Ah ben oui, très chers, dans tous les sens, économistes libéraux. Mais il était urgent, n’est-ce pas, de briser le monopole EDF, d’ouvrir le marché électrique la concurrence, de casser EDF en deux en cédant GDF au privé, suscitant de manière totalement artificielle et avec d’énormes avantages un concurrent privé. La concurrence libre et non faussée plutôt que la stratégie industrielle. Et après cela, on s’étonne qu’EDF ne soit plus assez gros pour assurer l’approvisionnement en électricité des Français ?

Un petit mea culpa ? L’abandon de la priorité absolue à la concurrence libre et non faussée ? Le  retour de la stratégie industrielle ?  A l’échelle européenne ? D’autres idées ?

Le barrage de la Rance restera-t-il français ?
 

lundi 16 novembre 2015

La recherche en France et en Europe- état des lieux


Panorama intéressant de la recherche mondiale  (Innovation’s New World Order) publié par  PWC strategy . Chiffres clés :
- Les dix premiers groupes en terme de dépense de recherche sont Volkswagen (mais sur quoi ?), Samsung, Intel, Microsoft, Roche, Google, Amazon, Toyota, Novartis, Johnson and Johnson (de 15.5 à 8 milliards de dollars par an) 
- Le premier français est  Sanofi, à la seizième position (6.4 milliards de dollars). A noter que la petite Suisse place 2 firmes dans le top ten, deux firmes pharmaceutiques Roche et Novartis. En Suisse, l’industrie pharmaceutique rapporte plus que la finance… Elle peut donc être un atout considérable pour un pays, et non une charge. Pour la recherche pharmaceutique, l’initiative européenne IMI (Innovative Medecine Initiative) et l’existence d’un système de santé assez intégré et homogène ( vu de l’étranger…) est considéré comme un atout
- Le shift vers l’Asie- et même l’Asie en  première place est spectaculaire ; la recherche scientifique en Asie compte maintenant pour 35% de la recherche mondiale, contre 33% pour l’Amérique du nord et 28 % pour l’Europe.
- Entre 2007 et 2015, les dépenses de recherche en Chine ont augmenté de 120%. La Chine dépasse maintenant les USA et le Japon ; grâce, pour une large partie, à des efforts de recherche implantés par les firmes étrangères en Chine. L’Inde suit de très près, avec des dépenses en augmentation de 115%, avec une spécialisation très forte dans le domaine informatique ; pas loin, également, la Corée du Sud avec 98% d’augmentation… Il va falloir s’habituer aux prix Nobel chinois !
- La France est clairement à la traine, et cela devient inquiétant. La recherche en France a diminué de 1.5% en 2015 ; et depuis 2005 (dix ans) les dépenses de recherche en France n’ont augmenté que de 28%, alors que la moyenne européenne est de 66%.  Si l’on compare par rapport aux USA, en huit ans, l’effort de recherche français a diminué de 41%, les Anglais de 29%, l’Allemagne de 14%, pendant que la Chine a augmenté de 64%, l’Inde de 61%, la Corée du Sud de 48% et Israel de 26% (voir graphique ci-joint). L’Europe est nettement à la traine, et en Europe, la France encore nettement plus. C’est presque un effondrement, qui inaugure mal du redressement industriel.

- Lorsque de grands groupes mondiaux envisagent d’externaliser un centre de recherche, les principaux facteurs qu’ils prennent en compte sont la formation des chercheurs, ingénieurs et techniciens, la proximité des clients finaux, les parts de marché, les coûts d’opération., les infrastructures. Sur plusieurs de ces plans, la France est bien placée, et l’incitation fiscale que constitue le  crédit d’impôt recherche  est connu et apprécié. Un gros point noir : l’interventionnisme, la lourdeur, la complexité des administrations.

Succès du Crédit Impôt recherche, échec du CICE

Si le crédit d’impôt recherche est un atout apprécié, qui a d’abord évité une dégradation beaucoup plus importante de la recherche en France, et est de plus en plus copié ailleurs,  c’est le CICE (crédit d’impôt compétitivité Emploi, 20 milliards d’euros tout de même contre 5 milliards pour le Crédit impôt recherche) qui manque clairement sa cible. Dixit Henri Lachmann ( Schneider Electric, et un grand industriel) : « Les premiers bénéficiaires du CICE sont la Poste, puis Carrefour. Il favorise des entreprises  qui n’ont aucun risque de délocalisation et qui emploient beau coup de salariés peu qualifiés ( la plafond est à 2.6 SMIC)… Les premiers bénéficiaires des baisses de charge sont l’hôtellerie et la Restauration, les services administratifs ou encore la construction » (Marianne, 30 octobre 2015)). Louis Gallois voulait en faire un outil pour la reconstruction industrielle, c’est complètement raté, et il fait volontiers savoir son écœurement, la responsabilité de ce gâchis revenant conjointement au gouvernement et au Medef, qui n’ont pas su résiter aux pressions de certains secteurs pourvoyeurs d’électeurs, mais qui ne subissent en rien la concurrence internationale, et dont le contenu en innovation est pour le moins assez faible.  Par ailleurs, il constitue une trappe à bas salaires…et,  l’on ne voit pas en quoi il favorise la compétitivité des entreprises, l’innovation et la réindustrialisation. Louis Gallois a été complètement trahi.
 
 

lundi 9 novembre 2015

Fin de vie - ai-je bien compris ?


Mourir de soif !
La majorité conservatrice (ou du moins une partie d’entre elle) du Sénat a si bien dénaturé le projet de loi sur la fin de vie que même ses promoteurs, en particulier Jean Leonetti  ont appelé à voter contre la version sénatoriale. De toute façon, les députés auront le dernier mot, mais ce que l’épisode révèle est assez inquiétant en ce qui concerne nos législateurs ; je ne mets pas là en cause leurs intentions, leur souci de bien faire, leurs convictions réelles, leurs peurs, leur appartenance politique (et sur ce sujet, la liberté de vote était totale) ; mais, plus fondamentalement le rôle qu’ils se donnent, qu’ils croient être le leur.
 
Les Sénateurs sont revenus sur le caractère contraignant  des directives anticipées laissées par les patients arguant « qu’elles devaient être « prises en compte » par le médecin, mais « ne sauraient contrevenir à sa liberté de prescription ». C’est retirer en grande partie l’intérêt à ces directives anticipées. Au nom de quoi ont-ils le droit de décider cela, de nous priver de notre dernière liberté ?
Passons sur l’obscur amendement qui a fait enlever « continue jusqu’au décès » de la rédaction initiale mentionnant pour les patients atteints  d’une affection grave et incurable « le droit à une sédation  profonde et continue jusqu’au décès », parce que cela prouverait que « l’intention est bien de précipiter la mort ». On demeure confondu devant ce type de débat byzantin, pourtant  mené par des gens intelligents et sincères. L’homme doit naître et mourir dans la douleur ?
Troisième point : les Sénateurs ont instauré la possibilité, lors de la mise en place d’une sédation en phase terminale, de maintenir l’hydratation jusqu’à la mort . C’est précisément ce qui est en cause dans des affaires comme l’affaire Lambert, c’est-à-dire que le maintien de l’hydratation permet de maintenir une vie artificielle très longtemps. Ainsi maintiendrait-on indéfiniment des gens sous sédation terminale et sous hydratation. M. Leonetti lui-même a précisé que cet amendement ôtait toute signification à sa nouvelle loi.
 
Mais en fait, cela signifie aussi que ce projet de loi qu’on nous présente comme le progrès des progrès, l’ultime en matière de concession éthique, le top du top de l'humanité et de l’intelligence…  consiste simplement à autoriser les gens à choisir de mourir de soif.
 
Ceci bientôt paraîtra barbarie

Eh bien, cela me parait tout simplement horrible, barbare. Que sait-on d’ailleurs de cette fin de vie ? Que sait-on de l’absence de douleur ? Pour information, le numéro de la Recherche d’octobre 2015 mentionne que « dans quarante pour cent des cas, les patients diagnostiqués en état végétatif montrent des signes de conscience minimale », et qu’ils doivent être protégés contre la souffrance .

De toute façon, je ne veux pas (et, je crois beaucoup partagent ceci) mourir ainsi. Si mon état se dégrade au point de ne laisser qu’un avenir de dégradation physique et mentale, qu’il n’y a plus d’espoir de guérison,  ni même de maintien d’une vie digne d’être vécue (et ce qu’est une vie digne d’être vécue, c’est, en ce qui me concerne, à moi d’en juger), je ne veux pas mourir ainsi. Dans ces conditions, je veux pouvoir mourir, le jour où je le déciderai, ou, si je suis hors d’état de le faire, le jour où un proche  mandaté, ou un médecin obéissant en conscience à mes directives, le jugera adapté, je souhaite mourir d’une mort rapide, indolore, apaisée - il existe des moyens chimiques convenables pour cela. Et j’entends évidemment que ceux qui m’assisteront dans ce moment là n’aient à en subir aucune conséquence - qu’ils en soient même remerciés infiniment par avance.

Mais en fin au nom de quoi, Mesdames et Mrs les députés et sénateurs, au nom de quoi avez-vous le droit, voire vous estimez-vous le devoir d’intervenir dans cette décision ? Au nom de quoi avez-vous le droit de me condamner à mourir d’une mort qui me fait horreur, et me refusez-vous la mort que je souhaite, dans les conditions d’une maladie grave et incurable ? Je ne vous ai jamais mandaté pour cela, personne ne vous a mandaté pour cela ! Pour surveiller le budget, veiller au bon état de l’économie, à la justice sociale, gérer l’Etat, veiller qu’il assume bien ses fonctions régaliennes, dans l’esprit d’une certaine ligne politique pour laquelle j’ai voté, oui ! Mais pour décider de ma mort ? Non ! Pour qui vous-prenez-vous ?

Je suis positiviste, ce qui signifie, entre autres,  que je prends très au sérieux la séparation des pouvoirs temporels et spirituels. Que les différents pouvoirs spirituels condamnent ou approuvent mon choix en cas de maladie grave et incurable, c’est leur affaire ! Mais aucun pouvoir temporel n’a le droit de le faire, ce serait une tyrannie et une barbarie.

Ces arguments ne vous touchent pas ? D’accord, mais comment pouvez-vous accepter, comment pouvez-vous ne pas frémir d’horreur devant le cas de cet homme, ce quasi-nonagénaire malade, souffrant d’un cancer et d’un Parkinson, M. Jean Mercier, comment pouvez-vous supporter  qu’il ait été contraint de se présenter à plusieurs reprises devant des juges, qu’il se soit trouvé un avocat général pour requérir un an de prison ( avec sursis), des juges pour prononcer cette condamnation, parce qu’il a aidé, à sa demande, sa femme atteint d’une maladie grave et incurable à mourir selon ses volontés, dans la paix et sans douleur ? Et ceci au nom du peuple français. Oui, barbarie !

Mesdames et Mrs les députés et sénateurs, encore une fois, je ne mets pas en doute votre désir de bien faire – M Leonetti et quelques autres ont porté ce sujet avec beaucoup de courage et de dévouement. Mais je vais soulager votre conscience d’un poids énorme : vous n’avez tout simplement pas à décider de ma mort et de celles de nos concitoyens. La seule chose que vous ayez à faire, c’est de définir les formes selon lesquelles mes volontés en ce domaine pourront être connues et exécutées. 
 
 

lundi 2 novembre 2015

Réchauffement climatique, COP21, Verdier, la Chine

Merci à Stéphane Foucart
 
 Ce blog ne saurait se limiter au commentaire des articles de Stéphane Foucart dans sa chronique  Planète du Monde, le chroniqueur avec qui j’adore être en désaccord (seulement parfois, mais il est assez constamment intéressant). Mais, je ne peux pas y résister : merci ! pour la chronique Verdier contre Lorius (Le Monde, 26 octobre 2015), et ce pour plusieurs raisons ; parce qu’il commence par prendre la défense de Philippe Verdier, chef du service météo de France télévision, mis à pied et menacé de licenciement pour avoir écrit un livre climatosceptique ; parce qu’il prend la peine de réfuter certains de ses arguments et de montrer sans complaisance à quel point ils sont scientifiquement faux et ridicules ; parce qu’il parle de Claude Lorius, un grand monsieur discret d’une recherche climatique française plutôt brillante ( cf. mon article sur Mercator).
 
Liberté, liberté totale d’exposition, de discussion, d’appréciation
 Les fautes de Philippe Verdier relevées par Stéphane Foucart ; qualifier le Giec de scientifiques politisés qui gomment sciemment les incertitudes de leurs rapports est d’abord faux, ensuite mensonger. Les rapports complets sont impressionnants et exhaustifs, les discussions libres… et le document assez illisible pour les non spécialistes ; dans les documents de synthèse, les conclusions sont clairement exprimées et expliquées ; peut-être ne plaisent-elles pas à M. Verdier, moi, il m’arrive aussi que le fait que deux et deux font quatre ne me plaise pas, ça dépend du contexte. Un exemple, précis, également relevé par M. Foucart, éclaire sur certains points l’ignorance de M. Verdier : lorsqu’il affirme que « le protoxyde d’azote, qui ne représente que 6% des gaz à effet de serre générés par l’homme est presque 300 plus nocif que le CO2… Il est émis en grande quantité pour parfaire l’entretien des pelouses… Pourquoi n’a-t-on pas vu un protocole pour interdire le protoxyde d’azote ? ». Réponse a) le rapport du GIEC précise que le protoxyde d’azote ne représente que 6 % du potentiel de réchauffement et non des gaz émis, autrement dit le rapport de 300 par rapport au CO2 a été déjà pris en compte ; b) le protoxyde d’azote, à ma connaissance, n’est utilisé qu’en anesthésie (et encore, est-ce encore le cas ?) ; c) ce n’est pas le protoxyde d’azote qui est directement en cause, mais les engrais azotés dont il est un produit de décomposition. Ce n’est donc pas un protocole sur l’utilisation du pauvre NO qu’il faut, mais, éventuellement, si c’est pertinent du point de vue climatique, une réflexion sur l’emploi des engrais. Ce qui peut être un vrai problème, mais abordé par une voie singulièrement détournée….
Pour autant, M. Philippe Verdier a le droit de s’exprimer, sans autre sanction que celle éventuelle du ridicule. Pour une raison liée au sujet : n’a-t-il pas raison lorsqu’il met en cause l’action de véritables margoulins qui prospèrent sur le thème du réchauffement climatique ? La promotion et l’implantation des parcs éoliens, par exemple, s‘est-elle toujours faite dans la transparence et l’honnêteté ? La réponse est connue : non !
Pour une raison de principe aussi, qui me ramène à un de mes thèmes favoris. Pour le Positiviste que je m’efforce d’être, le GIEC est un exemple quasi-parfait de ce que Comte appelait le pouvoir spirituel dont le but est de régler l’opinion à partir de principes démontrables. Une des conditions de son fonctionnement est la liberté complète des pouvoirs spirituels et temporels, et la « Liberté, liberté totale d’exposition, de discussion, d’appréciation », slogan positiviste ; par conséquent, nulle sanction temporelle ne doit être appliquée à M. Verdier, même s’il a tort. Pour le dire autrement, il s’agit de savoir si la responsabilité des activités humaines dans le réchauffement climatique est une connaissance scientifique, ou une croyance. Si c’est une connaissance (ce qui est le cas), alors elle n’a aucun besoin d’un bras séculier pour la défendre – c’est même contre-productif ; si c’est une croyance, alors là, ce n’est pas la première fois qu’une croyance aurait besoin d’une Inquisition pour s’imposer. Pour terminer sur ce sujet, une autre citation du grand Auguste  (Comte, évidemment), parmi mes préférées : «  Les opinions non démontrables et les autorités non discutables s’appuient mutuellement ». Et quant à l’attitude de la direction de France Télévision selon laquelle la position  de présentateur de M. Verdier  engage l’entreprise sur ce qu’il écrit dans un livre, alors là, il va y a avoir du travail ! Mme Ernotte commence décidément assez mal son mandat.
 
Plus d’accroissement sans limites : un prix Nobel de la paix pour le peuple Chinois
 Au fond le réchauffement climatique n’est qu’un exemple des problèmes qu’aura maintenant l’Humanité à résoudre - un problème d’ailleurs que les Positivistes avaient déjà entrevu.  Auguste Comte avait déjà indiqué que pour l’Humanité, « le prochain grand problème à résoudre serait qu’un accroissement continu n’est pas forcément, et, dans le cas de l’humanité, ne peut pas être un accroissement sans limites :  Il est évident que les dimensions propres de notre planète assignent d’insurmontables limites générales à l’extension ultérieure de la population humaine, ce qui doit être pris en grave considération dans le système positif des spéculations politiques »  (Système de Politique Positive).
Et les disciples d’Auguste Comte ont pris très au sérieux cette réflexion, en particulier Pierre Laffitte, dans sa théorie du gouvernement, et ceci les a conduit à la conception de bien communs de l’Humanité que sont par exemple, certaines ressources rares, ou les forêts, ou le climat. La nécessité d’une action internationale pour  préserver ces bien communs de l’Humanité est  bien présent  chez les Positivistes dès les années 1880 : Pierre Laffitte :  «  on verra s’établir des opérations planétaires par l’intervention des divers gouvernements comme pour la conservation des forêts , par exemple, et de certains gisements inorganiques. Ces opérations cesseront d’être, dans une certaine mesure, non seulement individuelles, mais aussi nationales, pour devenir pleinement planétaires ; enfin, à mesure que la météorologie prendra le caractère de généralité que j’ai indiqué dans le système de philosophie troisième, elle donnera lieu à des opérations de précision et de renseignement, mais aussi à des actes directement positifs ».
Reste que la survie de l’Humanité exigera non seulement un accord global sur le réchauffement climatique, mais aussi un accord sur la limitation totale de la population, diont l’accroissement est la première cause du réchauffement climatique. Et pour cela, pour la lutte contre le réchauffement climatique, et bien plus encore, un Prix Nobel de la paix devrait déjà être accordé au Peuple Chinois pour la politique de l’enfant unique, politique trop brutale sans doute, imposée dans des cruautés, des souffrances et des malheurs inouïs, parfois criminelle dans sa violence. Mais si la Chine n’avait pas drastiquement limitée la croissance de sa population dans la phase très délicate de transition démographique, où en serions-nous ? Oui, un Prix Nobel de la paix pour le peuple chinois ne serait pas immérité.